Montréal

Nouvelles

L’Abus, ce Maître Mot.

02-07-2015

 

L’Abus, ce Maître Mot.

Par Éric E.G. NOGARD             

 

En ce Temps là, l’Homme se contentait de prendre et de puiser, et ses seules mains y suffisaient.

 

Ses mains prenaient : c’était la Pronation.

Et ses mains puisaient : c’était la supination.

 

Le Seul Damné de la Terre était la Nature elle-même.

 

Elle pourvoyait à tout en cet heureux Temps où nul n’avait la moindre raison de se méfier de l’autre, où chacun pouvait ou prendre, ou puiser pour satisfaire à ses besoins.

 

N’était-ce pas cela l’Éden, le Paradis Terrestre.

 

Ce Paradis qui nous est tellement promis, comme s’il était devant-nous, comme si cette Roue qu’est la Vie devait se mettre en tête de faire machine arrière.

 

 

Nombreux sont ceux qui se rappellent cet Heureux Temps, non pas pour l’avoir connu dans sa plénitude, mais pour avoir assez vécu sa fin pour en rendre témoignage.

 

 

–       On puisait de ses mains l’eau d’une rivière et on se désaltérait avec délice et sans le moindre risque…

 

D’ailleurs qui n’a un jour, mettant les mains en supination, bu l’eau tombant du Ciel.

 

–       On se régalait de goyaves, de mangues sans porter  les doigts à son gousset, il suffisait de prendre, la main en pronation.

 

–       On avait son comptant  d’écrevisses, rien qu’en glissant les mains sous les cailloux d’un ruisseau.

 

–       Animaux terrestres et Animaux marins existaient à foison et se laissaient prendre, ainsi marchait la chaîne alimentaire nécessaire à la Vie.

 

C’était ça le Bonheur, l’Homme a-t-il apprécié.

 

 

Et, insensiblement, tout vint à manquer à portée de la main, même si la Pronation, même si la Supination nous sont restées fidèles et nous le resteront peut-être pour l’Éternité.

 

L’Homme par ses Abus a tout Raréfié et a rendu méfiantes toutes ses proies capables de le fuir : l’Homme est devenu Prédateur Abusif, il eût à le payer en se voyant tenu d’inventer :

 

–       La gaule pour cueillir, et ce fut la cueillette.

 

–       La lance pour prendre le gibier… et ce fut la chasse.

 

–       La pique pour avoir le poisson… ainsi naquit la pêche.

 

–       Le pieu puis l’age, pour remuer la Terre y trouver des racines comestibles et la faire produire… ainsi vint la culture agricole.

 

Ainsi naquirent les Damnés.

 

Ainsi naquirent ceux qui, pour nourrir la Communauté, ont eu la lourde charge, qui de la gaule, qui de la lance, de la pique ou de l’age (l’ancêtre de la charrue, elle-même aïeule du motoculteur) les premiers damnés voulus par Dieu ou par le Diable, c’est selon, mais par Dieu selon nous, pour le bien de cette espèce bizarre, tellement difficile à satisfaire, qu’on nomme l’Humanité, et tellement condamnée à cette grande illusion qu’elle nomme le Progrès.

 

Damnés de la Terre, Damnés de la Mer ou Damnés des Mines… condamnés au Progrès ou à Crever de Faim pour le Péché d’Abus.

 

 

Et d’abus en abus, même dans la procréation :

 

  • Eu égard au profit qu’on pouvait en tirer, au point que des gouvernements en soient venus à inciter à procréer.

 

  • Nonobstant les risques encourus au regard de la pénurie, même dans l’emploi.

 

Et, d’abus en abus, l’Homme en est venu à pratiquer :

 

–       Le dressage du cheval, du renne, du chien… pour l’aider.

 

–       L’élevage du bÅ“uf, de la poule, de la carpe, de l’abeille, même des bactéries… pour le nourrir.

 

–       Le servage, l’esclavage, la domesticité, les coopératives même, pour le servir.

 

–       L’outil, la machine, la robotique, pour le servir de mieux en mieux… dans sa frénésie de Conquête à tout prix, même de l’Espace et même du Temps.

 

Mais toujours avec abus et sans discernement.

 

Et c’est ainsi que nous voilà réduits à prendre conscience de la Catastrophe Apocalyptique inéluctable à laquelle nous conduisons notre Planète, la Terre : la Crise de la Dette en est un signe, et le Chômage aussi.

 

Au point que nous envisagions sérieusement de l’abandonner avant longtemps.

 

D’ailleurs, nous nous y préparons fébrilement à grands frais : Navettes et Stations ne sont-elles pas en place, dans cette optique.

 

Mais pour aller où et par quels moyens, lequel de tous nos Dieux consentirait à nous le dire et quel Diable le sait.

 

 

Dès-lors, ne serait-il pas plus sage que nous mettions un frein à nos abus, ne serait-ce qu’au niveau de nos ambitions.

 

Être le premier producteur automobile du Monde et ne compter que des pages blanches à son Carnet de Commandes…  n’est-ce pas pour demain, à moins que des Robots ne se portent acquéreurs !

 

Être le Pays le plus développé du Monde et compter 95% de ses habitants crevant de faim, faute de trouver un emploi.

 

Être le seul qui soit encore de ce Monde… en plein désert donc pour combien de temps encore… aucun S.O.S. ne pouvant être entendu ni répondu de nulle part, le Seul Maître étant seul à tout avoir au milieu du désert, du désert infranchissable qu’il s’est fait pour son malheur.

 

L’Abus, ce Maître Mot qui mettra fin à nos Abus, à tous nos Abus, si nous ne consentons nous-mêmes à y mettre un Frein.