LE FOCUSING (1)
par Michel Frankland
Les réflexions qui suivent traitent d’une méthode d’investigation psychologique révolutionnaire par son efficacité, sa simplicité et son coût nul. Il s’agit du FOCUSING.
Une ancienne étudiante qui m’appréciait m’invite chez elle. Elle est devenue psychologue. Elle et son mari, également psychologue, utilisent avec leurs clients une technique dont ils me disent beaucoup de bien, le focusing. Ils m’en donnent peu de précisions, la conversation roulant sur les vieux souvenirs.
Il y a environ un an, je rencontre une vieille amie psychologue. Nous allons au restaurant à l’occasion. Je lui parle de cette ancienne étudiante qui, en équipe avec son mari, pratique le focusing. Elle réagit immédiatement : «Mais oui ! C’est une méthode qu’on ne peut ignorer ! Elle s’adapte à tous les styles de psychothérapies !» Et elle m’en vante les mérites.
J’achète donc d’Amazon le classique de Gendlin, Focusing. J’ai employé sur moi-même cette méthode. Elle est d’une déconcertante efficacité. Je vous l’explique.
Le postulat : la raison, instrument d’investigation efficace et fort nécessaire par ailleurs, nous nuit sérieusement dans la recherche des profondeurs de l’être humain. «Le mental», selon l’expression employée quelquefois, est à l’aise dans l’aérien – maths, sciences, statistiques, philosophie. Mais dans les zones sans nom des glauques régions de la forêt intérieure, cette puissance de l’esprit s’avère inadéquate. Comme une bicyclette en pleine forêt. Pire, elle nous donne l’illusion de la clarté d’un état d’être qui lui échappe par nature. Un souvenir personnel : je suis à l’université. Un ami se penche vers moi et murmure au sujet du prof : «Il sait tout… mais rien d’autre !» La raison sait tout, mais rien d’autre.
Gendlin, professeur de philosophie à Chicago, a écrit son livre, et plusieurs autres sur le sujet, Focusing. Il y a une couple d’années, l’ouvrage dépassait les 500 000 d’exemplaires vendus. La méthode est employée dans 31 pays. Gendlin a reçu de nombreuses mentions honorifiques de plusieurs associations de psys au cours des années.
Le postulat en est simple, mais doit être bien compris : le corps, ce bon vieux bougre, qui emmagasine tout, sait tout sur nous. Il s’agit donc de le consulter. Mais d’abord, qu’est-ce que le corps ? Évidemment, au sens physique. Mais aussi en tant qu’il se trouve à la jonction de nos pensées, de nos émotions, de notre expérience de vie. On ne dira jamais assez l’importance du psychosomatique.
La raison agit rapidement. Du moins, en soi, dans la considération d’éléments simples. Mais le corps est plus lent. Gendlin estime ses réactions entre 30 secondes à une minute.
Et encore faut-il l’écouter. L’auteur nous répète à l’occasion comment notre appareil rationnel cherche «naturellement» à intervenir. Nous sommes habitués à nous construire rationnellement une défense contre les heurts de la vie. Une sécurité affective. Le corps nous apprend sur nous-mêmes ce que la culture, le langage et nos schémas d’analyse ne peuvent nous livrer. Bref, nous ne connaissons consciemment qu’un fragment de nous-mêmes.
Nous décrirons dans un prochain article les six étapes du focusing. Mais il est important de présenter en terminant ce premier article un aspect fondamental de cette méthode : non seulement le sujet apprend-t-il des vérités fructueuses sur soi, mais également son corps, libéré de ce secret, se transforme («body shift»). Il est alors prêt à produire un autre «senti ressenti» («felt sense). Voilà le cœur de cette méthode. La vie, comme un cœur qui bat, désire nous livrer progressivement ses secrets. S’apprendre à mesure, tel constitue le profit nécessaire de tout humain.
La démarche du focusing est non seulement efficace simple et gratuite. Elle est également source de paix, de sérénité, voire de joie. Parce que tout à fait au cœur de notre nature.
Serez-vous capable d’écouter votre corps sans plaquer dans votre cheminement naturel une explication rationnelle ? Ce sera la condition d’un mieux-être qui fera naître en vous un bonheur que vous accorderez. Se retrouver dans ce monde moderne atomisé ! L’explication rationnelle suivra naturellement. Mais comme une conséquence.
