Une nouvelle loi d’exception mettra
fin à la saga de la carte électorale
Par Paul Cliche      Â
Le gouvernement libéral et l’opposition péquiste pratiquent la démocratie à coups de lois d’exception. En effet, après l’adoption de la loi d’exception 132 qui a suspendu les pouvoirs de la Commission de la représentation électorale (CRE) en novembre 2010; l’adoption de la loi d’exception 204 , surnommée loi Labeaume, en septembre, les deux partis s’apprêtent à s’unir de nouveau pour en adopter une troisième de la même farine, le projet de loi 19. Cette loi d’exception annulerait la décision que doit prendre la CRE dans quelques jours pour délimiter la nouvelle carte électorale. Elle aurait pour but d’empêcher l’abolition de trois circonscriptions rurales sous-peuplées.
En 2001, la CRE, un organisme décisionnel indépendant des partis politiques, avait lancé un appel aux formations représentées à l’Assemblée nationale à l’issue du processus périodique de révision de la carte électorale qu’elle venait d’effectuer. Elle leur avait demandé qu’ils réfléchissent sérieusement à une situation s’annonçant problématique pour la révision suivante puisque la carte permettait de moins en moins de garantir l’égalité des votes. La plus inégalitaire en Amérique du Nord, elle ne correspondait plus à la réalité démographique. L’augmentation massive de la population dans l’agglomération de Montréal, couplée à une baisse sensible dans les régions limitrophes, expliquait le phénomène.
Mais le gouvernement aussi bien que l’opposition ont fait la sourde oreille. Les élus ne se sont réveillés qu’en mars 2008 après que la CRE eut rendu publiques ses propositions pour réviser la carte électorale de 2001 qui avait déjà servi aux élections de 2003 et 2007 et que devait servir pour celles de décembre 2008. Cette dernière a dû se conformer à la Loi électorale qui fixe le nombre de circonscriptions à 125 et qui impose un écart maximum de + ou – moins 25% par rapport à la moyenne provinciale d’électeurs par circonscription pour assurer une égalité relative des votes. Or, l’organisme s’est retrouvé face à 27 circonscriptions hors norme et à 19 sur le point de l’être, soit 37% des 125 existantes.
Abolir trois circonscriptions rurales
La CRE n’avait donc pas le choix. Elle a dû proposer l’abolition de trois circonscriptions rurales sous-peuplées de l’Est du Québec (en Gaspésie dans le Bas St-Laurent et dans Chaudière-Appalaches) pour permettre la création de trois autres dans des zones surpeuplées de la région de Montréal.(à Laval,en Montérégie et dans Lanaudière).
Mais la disparition éventuelle de circonscriptions rurales, qui constituait un précédent au Québec, a mis le feu aux poudres. Sous la pression d’un minuscule mais efficace lobby régional – le même qui avait torpillé la réforme du mode de scrutin en 1966- le gouvernement libéral a tenté de faire adopter, sans succès dans un premier temps, trois projets de loi pour modifier les critères de délimitation afin de privilégier les régions rurales aux dépens des centres urbains et des banlieues en forte progression démographique.
Puis, après avoir omis pendant deux ans de convoquer la CRE en commission parlementaire, tel que le prescrit la Loi, il s’est allié à l’opposition péquiste, en novembre 2010, pour  faire adopter la loi d’exception 132 suspendant les pouvoirs de l’organisme pour sept mois afin de permettre aux deux partis de s’entendre pour modifier les critères de délimitation. Mais les négociations ont alors échoué.







