Fragilité humaine -5 Insanité suite
Par Michel Frankland           Â
Pour peu qu’on observe le comportement humain avec quelque sagacité, on conclut que l’insanité humaine est profonde, constante et variée.
Dans le dernier article de cette série, nous avons observé les errements économiques de l’administration Obama ; les divagations militaires m’apparaissent porter davantage à conséquence.
Sur le fond des guerres en Irak et en Afghanistan, pour ne prendre que ces exemples monstrueux, les coûts monétaires, humains et diplomatiques ont été exorbitants. Qu’on en juge.
Les «logues» (psychologues, sociologues et anthropologues et autres «logues») qualifient les sociétés arabes de civilisations à haute définition. J’ai aussi rencontré l’expression «sociétés verticales». Entendons par là qu’elles sont d’abord axées sur une foi et non d’abord sur les valeurs matérielles. Ainsi, les livres saints de l’Islam interdisent de prêter à intérêt. Le sacrifice religieux est à l’honneur. Aujourd’hui même, à Kaboul, un taliban s’est fait sauter avec la cible qu’on lui avait désignée. Le deuxième en quelques jours. C’est pourquoi, les familles de ces kamikazes sont hautement considérées et prises en charge par la communauté. Ce sont des martyrs au sens premier, c’est-à -dire religieux.
C’est contre ces peuples d’une autre planète que celle de la Terre Capitalisme engage la guerre. J’ai écouté les interviews à CNN et aux chaînes régulières. Ils sont dans leurs salons et devisent sur le nombre de régiments et d’hélicoptères. Ils n’ont pas compris ce que le chauffeur de taxi de Kaboul ou la femme voilée qui va acheter un pain savent de toute éternité : on ne peut pas occuper un pays musulman et espérer le soumettre. La galaxie Démocratie entretient l’illusion vaporeuse de vaincre la galaxie Théocratie.
Jointe à cela, l’ignominie de l’association avec une administration corrompue jusqu’à l’os. Ce qui inspire naturellement  le mépris à la société afghane. Et, secrètement, à l’ensemble des pays arabes. Les remerciements chaleureux pour les frappes anti-Kadhafi ne sont que circonstanciels.
Échec diplomatique, donc, par le mépris inspiré à la fois par une attaque perdue d’avance, également par les dommages considérables à la société arabe envahie et enfin par l’association à des administrations pourries. Mais les coûts militaires quantifient plus nettement l’insanité.
Les coûts militaires s’avèrent hallucinants. D’abord un chiffre général. La facture pour les guerres après 9/11 est de 4000 milliards [1].  Le budget annuel du Québec étant de l’ordre de 65 milliards, c’est comme si les guerres en une décennie avaient coûté le budget annuel du Québec ramassé pendant 60 ans… Pèse-t-on le poids d’une telle somme ! Plus précisément, pour l’Irak et l’Afghanistan seulement, le coût s’élève à environ 1430 milliards.
Qu’auraient pu se payer les Américains avec de tels montants ?
J’ai fait plusieurs simulations. Pour ne pas allonger cet article, je présente simplement la relation entre les dépenses militaires en Irak et  en Afghanistan, et les frais de scolarité requis pour l’année académique au collégial.
Les deux guerres ont coûté environ 1500 milliards.  Or, il y a environ 3 millions d’étudiants inscrits dans les collèges américains. Leurs frais sont en moyenne de 24,000 [2]$. Par ailleurs, le gouvernement octroie annuellement un total de 154 milliards à ces étudiants dont environ la moitié est remboursable. Il s’agit donc d’une bourse de quelque 75 milliards. Soit 3,1 millions de collégiens doivent payer chacun en moyenne 24,000, pour un total de près de 75 milliards. L’éducation collégiale est donc pour ainsi dire gratuite. Il demeure que, comme la note en bas de page le spécifie, les frais du collège privé sont de 27,293. Ces privilégiés ont donc une surcharge raisonnable à payer.
Si bien que ni le gouvernement ni les collégiens n’auraient rien à payer pendant environ 200 ans. Et il resterait environ 300 milliards à l’armée pour fonctionner assez longtemps en temps paix. Pourtant,  elle est, quelle insanité, toujours en guerre. Ou presque. J’ai eu beau chercher sur internet les coûts de l’armée américaine en temps de paix, je ne les ai pas trouvés ! Peut-être cette information existe-elle, mais il m’apparaît assez clair qu’il s’agit d’une armée dont la Maison Blanche trouve toujours une raison de l’envoyer guerroyer quelque part. Le postulat, implicite mais solidement instillé dans la perspective internationale de nos voisins du Sud, constitue un triomphe d’insanité : il nous revient à nous, Américains, de policer la planète.  Car nous avons des intérêts partout. Nous devons les mettre à l’abri des combines cupides, et nous prendrons tous les moyens pour nous en assurer. Tous les moyens… [3]
Quant aux coûts humains, ne rappelons que quelques chiffres. Ils parlent d’eux-mêmes. Il y a eu jusqu’ici dans en Irak et en Afghanistan 4475 décès de soldats américains. Et les blessés ? Le chiffre officiel parle de 34000 ; le nombre réel de blessés, tels que comptabilisés par des journalistes et des soldats, est plutôt de 100 000. Ajoutez à cela 18 suicides par jour chez les vétérans. Les blessures de l’âme, et les coûts en consultation chez les spécialistes de la psyché ne sont pas tous pris en compte dans ces montants. Sans oublier les situations familiales intenables du vétéran qui éprouve des cauchemars violents presque à chaque nuit et son incapacité à entretenir une relation saine avec sa femme au désespoir. Et les enfants…
Mais nous ne serons pas en reste. Le carrousel de la turbulence mentale nous montrera dans le prochain article d’autres aspects de l’insanité.
[1] http://translate.google.ca/translate?hl=fr&langpair=en|fr&u=http://news.brown.edu/pressreleases/2011/06/warcosts
[2] En fait, de 7,605 $ dans les collèges d’état, plus une surcharge moyenne de 11,99 ; de 27,293 en moyenne dans les collèges privés. Le montant arrondi de 24,000 est donc gonflé quelque peu pour mieux prouver mon point.
[3] À lire sur ce sujet le livre magistral et fort bien documenté de Naomi Klein, La stratégie du choc.
Michel Frankland
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