Capteur de rêves
Jean-Paul Kozminski
Dans la culture amérindienne le capteur de rêves évoque la légende de l’Araignée Femme.
On raconte qu’une araignée appelée Asibikaashi, protège les enfants en tissant sa toile au-dessus de leur tête endormie. Les mauvais rêves, les mauvaises pensées, les mauvaises vibrations, ne peuvent se libérer et sont détruits, dissous, au petit matin, par la chaleur des rayons de notre grand père soleil. Voilà pourquoi le capteur de rêves doit toujours être placé face au soleil levant.
Mais comme il y a beaucoup d’enfants aux quatre coins du monde, Asibikaashi ne peut suffire à la tâche. Alors elle demande aux mamans de l’aider dans sa tâche et de fabriquer un capteur de rêves.
Mon capteur de rêves est dans la fenêtre. Fidèle, il attend le jour. Chaque matin, je le retrouve. Il me permet de repasser mes rêves et de préparer ma journée.
Ce matin, j’avais en tête l’étreinte de cette jeune femme sur le pape. Puis le visage du président italien, incrédule, après avoir reçu un souvenir que voulait partager un homme.
Violence, de quel bord penches tu? Fais tu le jeu des dogmatiques, de ceux qui sont assurés de leurs droits, de ceux qui veulent protéger leurs privilèges, de ceux qui en veulent encore plus, de ceux qui volent mon labeur, de ceux qui administrent et gèrent ma vie à leur profit, sans mon consentement? Es tu du côté des militaires en mal d’avancement, des producteurs d’armes de destruction massive? Aides tu les perforateurs  de notre terre mère, les salisseurs de notre eau, de notre ciel, de nos forêts et de nos rivières? Les caches tu? Sont ils soustraits de ta vue? Prêtes tu tes bras pour transporter leurs lingots d’or? Mets tu dans leur bouche les paroles, phrases de peur qui assujettissent, rabaissent, intoxiquent les esprits et empêche le libre arbitre?
Ne me fais tu voir que ces pauvres personnes exaltées qui seraient tes seules représentantes?
Ce matin, mon capteur de rêves n’a pas dissous mes pensées : elles vont vers ces enfants qui ne sont pas protégés par Asibikaashi. Je les connais ceux que tu visites, violence. Tu te complais à regarder leur ventre creux, leur regard déshydraté. Tu sembles comprendre. Pour toi c’est la norme : leur père était ainsi et leur mère aussi.
Je sais tu ordonnes, tu es puissante. On n’ose affronter ta colère. Pardon? Tu dis que c’est la colère du juste?
Ce matin, violence, comme tous les matins, je te tourne le dos. Je ne veux rien savoir de toi. Ni par mes paroles, ni par mes pensées. Ne t’en déplaise, je vais faire de mon mieux pour que tu recules. Je sais, je sais. Tu n’aimes pas le rejet.
Tu vois j’ai mieux à faire que de m’occuper de toi ou même de penser à toi. Tu peux me visiter dans mes rêves, si tu veux. Tu sais ce que, chaque matin, je te réserve. Je vois que tu commences à comprendre : oui, les plumes de mon capteur de rêves c’est pour encourager mes beaux rêves à revenir. Pendant ce temps là , tu ne peux pas me visiter.
Bon, je te laisse. Je vais aider, soutenir, ne pas parler contre mes frères et sœurs ou leur faire du tort. Tu as raison, on ne se ressemble pas.
Je t’envoie un sourire, le plus lumineux que tu n’aies jamais vu. Puisse sa lumière t’écarter de mon chemin.