Au sommet de la victoire
Par Catherine Kozminski
La dernière tempête de neige qui s’est abattue sur notre région a laissé assez de précipitation pour que les enfants puissent s’adonner à ce qu’ils aiment le plus faire en cette période glaciale de l’année : un bonhomme de neige.
Les voici donc, tous les trois, en train de rouler leurs boules, bien concentrés sur leur précieuse tâche. On place la première boule, c’est facile, elle est au sol. Pour la deuxième, Maude soutient son frère Mathieu, qui hisse la deuxième boule sur le dessus. Ne reste que la troisième qui fera office de tête pour monsieur le Bonhomme. Maëlle vient les aider à son tour, mais son frère et sa sœur interviennent rapidement en lui disant de ne pas trop forcer, car elle a un « cathéter ». Même s’ils sont bien plus petits que leur grande sœur, ils trouvent la force de placer, au bout de leurs petits bras enneigés, la dernière boule. Hourra ! Vite, une carotte pour le nez, des raisins secs pour les yeux et le sourire de leur personnage qui prend vie soudainement. Ne manque qu’un chapeau melon et un foulard que l’on trouvera dans un tiroir du grenier. Le trio admire cette œuvre d’art qui trône au milieu de la cour, vénérant cette statue inerte qui symbolise les joies de l’hiver, le bonheur à son état pur, celui de l’enfance et du temps présent.
Bon, il commence à faire vraiment froid à moins quinze sous zéro. Maude et Mathieu entrent se réchauffer dans la tiédeur de la maison. Seule Maëlle reste face au bonhomme de neige. Par la fenêtre, je l’observe. Je la vois soudainement tenter d’escalader le corps massif de leur sculpture de glace. J’ouvre la porte et je crie : « Maëlle ! Ne fais pas ça ! Tu vas te blesser ! ». Qu’à cela ne tienne, Maëlle me regarde à peine et continue sa montée vers l’Everest. Et pourquoi pas … Je la laisse grimper sans rien dire, car je suis fière de voir son entêtement qui fait d’elle une battante depuis l’entrée de la maladie dans sa vie, mais aussi depuis sa naissance, en cheminant aux côtés de l’autisme.
La voilà enfin assise sur la tête du bonhomme de neige, les jambes dans le vide, criant je ne sais quoi et levant les bras en l’air. Je sors le nez dehors pour entendre ce qu’elle essaie de dire. « Maman, j’ai réussi ! Prends une photo de moi ! ». Surprise et émue, je prends mon manteau, mets mes bottes, attrape mes gants et vais la rejoindre avec la caméra en main. Elle pose, heureuse et souriante, comme si elle venait de remporter la médaille d’or d’une épreuve sportive. Oui, c’est bien cela. Chaque jour, depuis un an, Maëlle remporte une victoire, celle de la vie, qui lui permet, en cet instant magique, de se hisser au sommet de la victoire et qui nous montre que tout est possible quand on y croit.
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