De l’Homme au Cabri, ou, du Cabri à l’Homme.
Par Eric E.G. NOGARD
« Si par terre tout t’était tout simplement jeté, de te mettre debout te viendrait-il l’idée. »
Ce mot de Zarathoustra citant Confucius n’a jamais pu me sortir de la tête et il m’est impossible de ne pas y penser…
L’Homme, ce quadrupède des Premiers Jours a très tôt eu le souci de se mettre Debout, une tâche pas facile, un Défi.
Son environnement l’y a contraint, sa volonté l’y a aidé, il y est parvenu jusqu’à la perfection, jusqu’à la Verticale.
Car, se dresser sur ses jambes fut pour l’homme, beaucoup plus un challenge de Survie, un « Être ou ne Pas Être »,
Qu’un Don du Ciel, même si du Ciel bien des choses nous tombent… Ou peuvent nous tomber !..
Tout ceci pour en venir à des cabris, à des chats et des chiens, à la Société de mon Pays, en tout cas, pas à Moi, chacun sachant combien – même s’il est tant aimé – le Moi est haïssable.
Le tour est aux Cabris. Un groupe de Cabris et non pas un troupeau, puisqu’ils n’étaient qu’une vingtaine.
Ils n’avaient pas de maître, à ce qu’il me semblait… ils étaient libres, libres dans la ville, rôdant – si l’on peut dire – aux abords de mon école, aux heures de récréation.
Au son de la cloche de récréation, comme obéissant à un ordre militaire, les voilà tout au long de la grille, dressés sur leurs pattes de derrière – donc debout sur leurs jambes – c’était pour eux l’heure du régal.
Des centaines de petits bras tendus à travers la grille leur mettaient mille friandises entre les lèvres. Rien n’était jeté par terre. Le spectacle faisait recette auprès des curieux… s’il avait duré, le Tourisme aux Antilles aurait certes apprécié.
Et au second coup de cloche, les écoliers rentraient dans leurs classes ; quant aux cabris, ils redevenaient quadrupèdes jusqu’à la prochaine récréation.
Maintenant, chiens et chats, ceux de mes parents, car leur logement pouvait le leur permettre. Mon logement à moi me met en garde : « No Pets ».
Le spectacle des Cabris m’a suggéré de ne rien jeter aux chiens et chats de mes parents qui ne tardèrent pas à me prendre, pour un animal assez bizarre pour qu’on se tienne debout à ses côtés pour avoir la moindre douceur !.. Et dès lors, ils se tinrent debout près de moi.
Debout sur « leurs jambes » comme le plus humble des gens de mon enfance.
En ce temps là , pas un chômeur en Martinique où le « sans emploi » était utile et utilisé, qui pour une course, qui pour un coup de main, qui pour un « fetch and carry », pour ceci comme pour cela.
En ce temps là , pas un « sans emploi » n’était méprisé, au contraire, il jouissait de la considération de tous, il était connu et apprécié.
De nos jours, il en est autrement. Le Progrès y est pour quelque chose : non qu’on doive lui en faire grief. Non qu’on doive en faire grief à quiconque.
Néanmoins, force est de constater qu’il est une Réflexion à faire sur la Constatation que toutes les Sociétés du Monde comportent trop de gens, en nombre trop vertigineusement croissant, à retomber sur leurs quatre pattes.
Si nul ne s’émeut du tour que prennent les choses .Pour retrouver nos quatre pattes, il suffira de peu de chose.
Surtout que rien n’est irréversible en fin de compte.
.
.
.
.