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Le surmoi social

18-11-2010

Le surmoi social

Par Michel Frankland

 

Pour bien comprendre cette donnée sociale capitale, nous devons nous rappeler les fondements de la psychologie transactionnelle.  Harris, dans le livre-butoir de cette découverte, I’m OK You’r OK, l’explique ainsi. De même que nous retrouvons les trois instances freudiennes en nous, surmoi, moi et ça, ainsi nous pouvons identifier trois niveaux personnels : parent, adulte, enfant. Si bien que le mérite de la psychologie transactionnelle consiste à établir la relation entre les étapes de la vie et une structure fondamentale identifiée par Freud.

Instances freudiennes

Champ

Niveaux personnels

Surmoi

Lois, impératifs

Parent

Moi

réalité

Adulte

Ça

plaisir

Enfant

L’inférence sociale de la psychologie transactionnelle m’apparaît fort importante. Ciblons plus spécifiquement le surmoi. Traduit en termes collectifs, cela signifie que les idées-forces sur lesquelles une collectivité prend racine exsudent un caractère impératif qui fait généralement mauvais ménage avec toute tentative opposée à ces conventions qui forment consensus à une période de l’existence de cette collectivité.

Quelques exemples frappants sont bien connus. Les tenants du socialisme ou du communisme dans l’Allemagne hitlérienne prenaient le chemin des prisons ou de la mort.  De même, Staline envoyait au Goulag ou aux tortionnaires du KGB les récalcitrants. Un cas extrême mérite mention. Il était impérieux d’applaudir Staline pendant les quelques minutes qu’il jugeait approprié. Or, on constate, dans un documentaire de l’époque, qu’un homme cessa d’applaudir après une minute. Il disparut et on ne le revit jamais. Même à l’époque moderne, nous sommes témoins d’une réaction semblable. Poutine équivaut à un tsar moderne. Depuis 1993, 300 journalistes ont été éliminés au pays d’Yvan le Terrible. On ne badine pas avec le pouvoir soviétique. De même, dans un nombre trop grand de pays, la nature impérative du surmoi social, concentré dans une junte ou une oligarchie, exprime nettement ses dictats à la population. La répression sanglante de centaine de milliers en Chine et d’un grand nombre au Myanmar en témoigne tristement.

Dans nos démocraties, le surmoi social, bien que moins violent, affecte le bien commun. Car il se passe ici, d’une manière plus discrète, la même soif de pouvoir que nous venons de considérer. Les bien-nantis se défendent bec et ongle pour conserver leur prérogatives. Mais comment se défendent-ils ? De deux manières.

D’abord, négativement.  Ainsi, le gouvernement refuse obstinément «l’Enquête» que le peuple, les journalistes et diverses instances policières ne cessent de réclamer. Le bon sens populaire veut déterrer les racines qui relient la construction, les divers nivaux de gouvernement et les clans mafieux. D’après vous, lecteur, lectrice, quel intérêt (ou quels intérêts) justifie(nt) l’entêtement de ce gouvernement à refuser l’Enquête voulue par l’immense majorité ?…

D’autre part, leurs mécanismes de défense se mettent en branle contre les opposants. Car au Québec,  on ne doit pas toucher à Québec Inc. Entendons : le résultat de la Révolution tranquille mis en place à partir des années 60. Notre social-démocratie entend bien faire la vie dure à toute velléité d’orientation politique divergente. C’est ainsi qu’on a accueilli les diverses tendances de droite réapparues plus clairement en 2010. Que ce soit le mouvement  que tente François Legault ou le Réseau Liberté-Québec de Johanne Marcotte et Éric Duhaime, ces groupes sont frappés d’anathème par les «bien-pensants». Les syndicats, récemment, ont proposé aux étudiants une sainte alliance contre le «corporatisme de la droite». La situation recèle un côté assez ridicule lorsque l’on se se souvient de la nature corporatiste de nos gros syndicats.

Ne nous méprenons pas sur leurs élans oratoires.. Ce n’est pas d’abord une idéologie que défendent les tenants du Québec Inc. Bien sûr, on joue les violons auprès de la population : elle pourrait perdre, à cause des «rapaces de la droite», ses «droits sociaux acquis de haute lutte». Et les prophètes de la religion sociale y vont de sombres prédictions sur la privation du système de santé, malédiction pour les gens moins nantis.

Car c’est bien de pouvoir qu’il s’agit. Et les diverses strates du pouvoir (la fonction publique, la puissance syndicale, le parti majoritaire et entreprises mafieuses) tiennent mordicus aux nombreux avantages qu’ils ont patiemment élaborés derrière les portes closes.

Leur attaque contre la droite porte doublement à faux. D’une part, comme je l’ai montré dans une série d’articles parus dans Le Carrefour des opinions, la droite constitue, comme la gauche, une valeur essentielle à la Cité. D’autre part, la droite n’est pas un nouveau phénomène saugrenu qui serait tout à coup apparu sur la scène politique. Je vous réfère, sur la longue tradition conservatrice au Québec, à l’ouvrage de Frédéric Boily, Conservatisme au Québec.

Mais qu’à cela ne tienne, le surmoi social régnant actuellement au Québec tente à toutes forces d’agiter ses épouvantails et crie à l’imposture. Que vaut donc notre liberté devant ce surmoi social pesant qui tient à nous empêcher de considérer un renouvellement nécessaire  ?

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