Gauche et droite – un complément –CONCLUSION
Par Michel Frankland
Il est dommage qu’on veuille se ranger dans un camp ou dans l’autre. C’est comme si la jambe gauche et la jambe droite se querellaient au sujet de leur importance relative. Une jambe partirait d’un côté ; l’autre riposterait en prenant le sens inverse. Une société saine est celle qui reconnaît les valeurs exemplaires de ces deux attitudes si profondément ancrées dans la psyché. Une société excessivement axée sur la gauche se munirait d’une bureaucratie mur à mur. Tous y seraient égaux – également pauvres. Une société axée excessivement sur la droite produirait rapidement un capitalisme sauvage, conglomérat limité de fortunes colossales protégé par des murs clôturés de la détresse populaire réduite à mendier. Triste vérité, voilà ce que le trio du dévastateur de l’extrême-droite et leur armée de Chicago boys ont produit aux États-Unis : un gouvernement qu’ils se sont efforcés de réduire à une coquille vide, en créant leurs effectifs parallèles qu’ils louent au gouvernement à des prix faramineux On envisage avec horreur le cercle vicieux : le gouvernement, vidé de ces meilleurs éléments drainés par ces puissances parallèles, doit continuer à louer les services exorbitants de ces chevaliers d’industrie.
Mais la gauche n’est pas sans tare elle non plus. Elle ne manifeste par une double lâcheté, celle du peuple et celle du gouvernement.
Le peuple, comme une portée animale, veut téter la Maman-État sans arrêt, et ne se pose jamais une question fondamentale, que tout couple sensé et responsable se pose pour le bien-être de la famille : COMBIEN ÇA COUTE ! Car une vie réussie, tant personnelle que familiale et collective, tient dans la tension fructueuse entre ces deux pôles : Qu’est-ce que je désire ? Et combien ça coûte ? Autrement dit : qu’est-ce qui correspond le mieux à la dignité humaine en termes scolaires, sanitaires, artistiques, urbains ? Et que pouvons-nous réaliser de cet idéal eu égard aux entrées de fond ? On a le loisir de partir du rêve de l’idéal ou de la réalité des notre porte-monnaie. Mais il s’avère nécessaire de se poser immédiatement l’autre question. Ou bien : voilà mes fonds, quelle part de mon idéal puis-je réaliser avec eux ? Ou alors, une fois considérées mes aspirations profondes, je me demande maintenant de quelles sommes je dispose pour en réaliser le plus possible.
Le gouvernement pèche facilement par l’abdication de ses responsabilités. Un gouvernement lâche consiste en celui qui, devant l’option du bien-être collectif et la jouissance populaire, opte pour cette dernière, croyant que l’action responsable s’avère trop dure à gober pour la meute irresponsable des appétits populaires. Il préfère garder le pouvoir par irresponsabilité que d’opter pour l’attitude responsable et perdre probablement les prochaines élections.  Jouissance immédiate rime généralement avec endettement punitif. Faut-il rappeler que le Québec se situe au cinquième rang à partir de la fin dans la mesure de la bonne gestion, et symétriquement de la dette collective la plus considérable ?… Ce même gouvernement qui manque tragiquement de la poigne propre à la droite. Les libérations avant le temps, d’ailleurs pas assez sévères, constituent une dérive maternante de la gauche. De même, la crainte des décisions se traduit par la création d’une armée de bureaucrates. Plus on est nombreux, plus les responsabilités sont noyées dans la papperasse.
Nous marchons sur deux jambes, la gauche et la droite. Au milieu se tient la personne, source d’équilibre entre les deux – c’est du moins la condition d’une vie réussie, autant personnelle que collective. Le centre, zone d’équilibre nécessaire. Ce qui ne sous empêche pas de devoir nous situer plus à droite pour certaines conjonctures, et plus à gauche pour d’autres. Selon que l’équilibre complexe et changeant de note réalité exige plus de fermeté et d’efficacité ou plus de compassion. C’est la fixation unijambiste qui nous fait perdre la course à l’accomplissement des grandes choses de la vie.