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LE SURMOI MORAL AMÉRICAIN

24-03-2018

LE SURMOI MORAL AMÉRICAIN

 

 

par Michel Frankland

Freud dégage de l’être humain trois composantes.

Le ÇA (ou ID) se rapporte à l’instinct (sexualité, agressivité, goût primaire pour la nourriture, etc.) ; le MOI (ou EGO) est le siège du bon sens, de la raison, du jugement ; le SURMOI (SUPEREGO) est l’instance gouvernée par les lois morales, les principes de vie en société, etc.

 

Or, quand on analyse la civilisation américaine, on est frappé de constater une insistance excessive du surmoi. En voici plusieurs exemples.

 

Lors d’une finale du Superbowl il y a quelques brèves années, le spectacle de mi- match, offert par un groupe musical connu, fut ponctué d’un évènement qui aurait provoqué au Québec un rire sympathique. Une jolie chanteuse échappa un de ses soutien-gorge. Son sein apparut brièvement. Elle remit la pièce échappée rapidement. Donc, une anecdote. Mais non ! Ce fut le scandale aux États-Unis. Les journaux se déchainèrent contre « cette grave offense » !

 

Vous connaissez peut-être l’émission américaine LIVE PD. Il s’agit de policiers en patrouille réelle – « LIVE » – Ils sont accompagnés de cameramen qui filment les arrestations. Or, pour n’importe quel prétexte, les policiers passent les menottes aux personnes interpelées. On sent chez les policiers un pouvoir démesuré. Ce sont les instruments de la toute-puissante moralité américaine. La personne arrêtée est d’entrée de jeu un suspect auquel il faut montrer le sérieux des offenses possibles.

 

En ce sens, à la mi-mars 2018, un jeune noir se trouve dans la cour de sa résidence. Il tient son cellulaire en mains. Les policiers lui crient rudement de poser son arme. Il leur montre que c’est un cellulaire… Il reçoit plusieurs coups de feu meurtriers. Ce n’est pas un cas isolé. Au fil des mois, de nombreux noirs ont été ainsi assassinés. Pour les policiers, un citoyen qu’on rencontre et qui présente un danger, même minime, voire pratiquement nul, devient un ennemi. Il faut s’en protéger !… Car nous assurons la sécurité, la bonne conduite. Bref, la morale publique…

 

Vous avez probablement vu ce couple nu dans la jungle. Il essaie de survivre à travers les dangers. Mais pudeur oblige, nous voyons les corps embrouillés. Dans plusieurs pays, ils seraient présentés nus. Ou alors, on ne ferait pas ce genre d’émission. On dirait que l’Américain moyen a des réflexes de voyeur. Il faut IMAGINER les gens nus. Les présenter dans leur plus simple appareil serait «immoral ». Un pharisaïsme de la moralité !

 

Le caractère punitif de cette morale puritaine m’apparait profondément ancré dans la psyché américaine. Ainsi, le ratio de prisonniers dans les geôles de nos voisins s’avère d’emblée le plus fort de la planète – même en comparaison des pays totalitaires. Wikipedia nous apprend que les prisons américaines comptent plus de prisonniers que la Chine(environ 1,5 million de détenus) et la Russie(environ 760 000) réunies. En 2017, les États-Unis comptaient 25 % des prisonniers de la planète pour 5 % de la population mondiale. Donc, proportionnellement cinq fois plus de prisonniers que les autres pays.

 

Ainsi, l’émission de 60 MINUTES montrant comment les prisons allemandes visent d’abord la réinsertion des prisonniers – par exemple, un homme ayant tué dans le passé plusieurs personnes sort régulièrement de la prison pour aller travailler. Quel choc des téléspectateurs ! Mais plusieurs commentaires signalaient que ce serait difficile à réaliser aux États-Unis « parce que nous avons tellement de criminels dangereux ». On voit le cercle vicieux. Tu tiens suspicieusement les prisonniers dans un régime punitif, et tu t’étonnes qu’ils soient difficilement réhabilitables. Mais ainsi, constate l’Oncle Sam, pêchant par excès moraliste, la droiture citoyenne se trouve valorisée…