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Pour en finir avec la question amérindienne

08-01-2018

Pour en finir avec la question amérindienne

Par Michel Frankland

Mais, diront certains, nous avons signé un traité avec les Amérindiens. Sommes-nous des gens si cupides et irresponsables que nous dérogerions à un traité que nous avons signé ? Il y a en effet trois niveaux à la loi. À un premier niveau, on retrouve le corps des lois au civil et au criminel. Ce sont les lois votées au fil des divers mandats législatifs de nos gouvernements. Au-dessus de ce premier niveau de la loi, on accède aux chartes et aux traités. Ils constituent pour ainsi dire des « méga lois », qui ont priorité sur le corps commun des lois, civiles ou criminelles. Cependant, au-dessus de ce deuxième niveau se trouve le sommet de la pyramide, niveau ultime qui a priorité sur les deux autres. Il s’agit de l’esprit même de la loi. Il repose sur le principe universel qui fait foi de tout l’ensemble juridique : l’équité. Ainsi, s’il se trouve qu’un élément d’un traité ou d’une charte implique que des privilèges soient accordés selon le sexe, l’ethnie, la religion ou toute autre catégorie, il devrait être abrogé. Bref, l’apartheid amérindien, bien que ratifié par traité, contrevient à l’esprit même de la loi.

L’antériorité

Ne faut-il pas tenir compte de l’antériorité de l’arrivée en ce pays ? Les Amérindiens,
« Premières Nations », y sont depuis des milliers d’années ; ne convient-il pas de leur concéder quelques traitements de faveur ? Quand on amène à la lumière de la conscience ce sentiment diffus et somme toute épais, il se dissout dans le ridicule. Par exemple, en donnant du poids à la variable de l’antériorité, on pourrait peut-être accorder une différence d’impôt selon l’ethnie des arrivants ? Les Italiens sont arrivés avant les Danois : ils paieront 3,4 % de moins d’impôt que la moyenne, mais les Danois en paieront 2,4 %… Le moment de l’arrivée en terre canadienne ne doit pas fonder quelque privilège que ce soit, personnel ou collectif.

Sans compter que plusieurs communautés amérindiennes semblent reculer dans le temps les bienfaits de l’apartheid puisque plusieurs des Amérindiens reposant au fond des cimetières reçoivent encore des subventions gouvernementales… Et elles l’étendent aussi dans l’espace. Des Amérindiennes se sont plaintes récemment que les sommes accordées par les instances gouvernementales aux bienfaits sociaux de leurs communautés étaient engouffrées en bonne partie par les casinos de Las Vegas. Autre exemple incontournable, les Amérindiennes de Kahnawake perdent leurs droits (et conséquemment leurs subventions) si elles épousent un non-Amérindien. Ce racisme complaisamment ratifié par nos gouvernements occasionne même des injustices flagrantes. Un contracteur de Québec n’a jamais pu récupérer les milliers de dollars que lui devait un Huron de L’Ancienne-Lorette. Territoire oblige !

L’inférence

L’inférence est évidente. Ou bien les Amérindiens sont des Canadiens ou bien ils ne le sont pas. S’ils ne le sont pas, qu’on s’entende avec eux pour leur accorder un territoire national. Mais ce territoire devrait être proportionnel à leur nombre. Or ils ne forment qu’environ 1 % de la population. Et encore sont-ils fort différents d’une peuplade à l’autre. Mais cette petite part du territoire canadien devrait être amputée du pourcentage d’Amérindiens menant la même vie que nous. Ainsi, Kahnawake ou L’Ancienne-Lorette sont des banlieues comme Brossard ou Charlesbourg. Ces gens vivent la même vie que nous, regardent les mêmes chaînes de télévision, mangent comme nous et conduisent les mêmes sortes d’automobiles. Pour ce qui est du petit groupe d’Amérindiens qui vivent encore quelque peu comme leurs ancêtres (on pense par exemple aux Cris de la Baie-James), ceux-ci pourraient prendre possession de leur patrie et assumer leur vie. On pourrait concéder quelques gentillesses économiques pour un certain nombre d’années afin de faciliter la transition.

Il est intéressant de situer notre relation avec les Amérindiens dans l’optique de la dialectique conquérant-conquis. Où sommes-nous positionnés dans l’échelle de la responsabilité des conquérants ? Au total, on trouve trois positions. Les conquérants ont réprimé de multiples façons les peuples conquis — esclavage, exactions de toutes sortes, réduction à l’état de citoyens de seconde zone, etc. C’est là la position d’emblée la plus représentée. Mais certains conquérants, fort rares, ont cru dans la dignité des conquis. Les Danois en constituent le meilleur exemple. Après avoir conquis le Groenland, ils s’expliquèrent avec les esquimaux dont ils avaient conquis le territoire : « Vous serez traités sur un pied d’égalité avec les Danois qui viennent s’établir ici. Vous aurez les mêmes privilèges, les mêmes avantages, mais aussi les mêmes responsabilités et devoirs qui leur sont impartis. » Voilà, pour représenter la deuxième position, un langage qui s’appuie sur la foi dans l’ultime décence de toute personne et de tout peuple.

Mais il y a une troisième position. Et si je vous disais que c’est celle du Canada ?…

Nous verrons cela dans la deuxième partie de cet article.