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FOCUSING 1

16-09-2017

FOCUSING 1

 par Michel Frankland

Les paroles disent quelquefois la vérité ; quelquefois pas. Mais le corps ne ment pas. Un adage venant de psychologues affirme que lorsque deux personnes se rencontrent, une estimation instinctive de leur degré de compatibilité s’effectue dans la seconde de leur rencontre. Les coups de foudre – ou leurs contraires – sont bien réels quoique rarissimes. Mais l’évaluation plus nuancée ne prend qu’une seconde également.

Le corps est le siège des valeurs qui transcendent la raison : émotions, affectivité, mais aussi, plus profondément, l’intuition et l’âme elle-même. Le christianisme, avec sa spécificité de l’incarnation, se trouve d’emblée apte à saisir comment les valeurs de fond ont leur siège dans le corps.

Le corps en sait sur nous beaucoup plus que notre raison. Un souvenir d’université. J’étudie en philosophie. Un ami se penche vers moi et me murmure : « Le prof sait tout… mais rien d’autre ! » De même, la raison sait tout, mais rien d’autre. Elle peut discourir sur n’importe quoi, édifier les structures intellectuelles les plus savantes… Mais la vérité est au-delà des concepts. Ceux-ci ne sont que notre moyen de structurer dans la conscience des schémas explicatifs. Ce n’est qu’une expression de la vérité, non la vérité elle-même. St-Exupéry, dans Pilote de guerre, écrit :

« Être tenté, c’est être tenté, quand l’esprit dort, de céder aux raisons de l’intelligence. »

Comment parler au corps ? D’abord, savoir écouter. Ce n’est pas une attitude spontanée chez tous. Combien de personnes interrompent ! Combien de personnes semblent à ce point dépourvues d’antennes qu’elles ne perçoivent pas le besoin profond de l’autre de révéler une souffrance, une grande joie, une réflexion psychologique qui lui tient à cœur… Écouter avec attention constitue la première charité. Seuls les gens qui ont vraiment du cœur savent cela d’instinct. Généralement, le refus, qui peut être subtil, d’écouter, provient d’une forme d’orgueil ou d’un désir, souvent inconscient, de dominer. Ou simplement d’une bonne dose de superficialité.

Le corps connote la nature, la lente maturation. Le corps se situe du côté de l’esprit de finesse, de l’autre côté de la raison, ou esprit de géométrie – selon la dichotomie de Blaise Pascal. Le corps est plus à l’aise à goûter les choses intérieurement. À jongler, contempler. Aussi est-il lent à répondre. Les psys ont établi le temps moyen de réaction du corps à 3 minutes.

Le corps parle de trois façons. En images, en felt sense (en senti – ou ressenti, deux traductions convenables) et par deux ou trois mots. Une expérience personnelle. Depuis quelques mois, peut-être un an, il m’était arrivé de friser l’évanouissement. Dans mon lit, à la télé, en marchant, dans une station du métro.

Je demande donc à mon corps ce qui se passe. Il ne me dit rien et ne fait que respirer profondément, jusqu’au fond. Bon, il ne veut rien me dire. Or, je signale ce problème à l’urgence. On m’examine. Votre cœur est parfait. Vos poumons aussi. Seulement, votre pression est un peu basse. Ce qui peut facilement provoquer les états que vous déplorez. La solution est simple : il faut alors respirer profondément… !!! Mon corps me l’avait dit clairement à sa façon. J’avais écouté, mais mal !

Le danger, c’est que la raison intervienne alors pour décoder le message. Rien n’est plus nocif ! Cette qualité de vérité échappe à la raison. Il s’agit simplement de questionner humblement le corps. « Qu’est-ce que cette image signifie. Peut-être… Vous risquez une hypothèse. Le corps vous fera savoir si c’est ça. Ou encore : « As-tu une autre façon de formuler ça ? » Ou bien : « Continue à m’expliquer. » Il arrive souvent que le corps prenne quelques sessions à vider une question. Il veut que vous preniez le temps de tout assimiler.

Le corps est votre ami. Il veut communiquer avec vous. Il tient à vous aider. Mais il parle une langue que votre raison ne comprend pas. Et puis, commencez par le saluer avec bonté. Il en sera touché. Vous pouvez orienter quelque peu ses réponses, en ce sens que vous pouvez formuler des demandes précises. Par exemple : une interrogation sur un événement arrivé hier et qui vous a marqué. Quelle intelligence dégage-t-il de cet événement ? Ou encore, vous pouvez insister : » « As-tu des choses importantes à me dire aujourd’hui ? »

Dans FOCUSING 2, nous établirons un lien fructueux entre le focusing et la psychologie transactionnelle de Harris.