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Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme(2)

23-07-2015

Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme(2)

envoyé par Lam Cham Tho
Le rapport révèle par ailleurs que par son système de quadrillage et de contrôle de la population, le Vietnam aggrave considérablement les inégalités, en particulier aux dépens des femmes. Par exemple, le permis de résidence obligatoire 
(hộ khẩu) est essentiel pour toutes les démarches administratives (aides sociales, certificats de naissance, etc.), et sans lui, le citoyen est hors-la-loi. Or il est délivré et retiré discrétionnairement par le policier de secteur chargé du contrôle politique de la population, et sa délivrance ou non donne lieu à toutes sortes dabus de pouvoir et de faits de corruption. Les enfants des victimes du trafic des femmes nobtiennent pas ce permis et nont ainsi aucun droit. En outre, le permis de résidence délivré aux migrants intérieurs ne donne pas les mêmes droits quaux résidents permanents. Ces migrants paient ainsi leau, lélectricité, les soins médicaux plus cher et se voient refuser de nombreuses aides. Les femmes, qui représentent 70% des migrants intérieurs, sont les premières victimes de ces inégalités.

Pour ce qui est du droit à la terre, les certificats du droit dusage de la terre (Land Use Rights Certificates ou LURC) ne portent que dans 10,9% des cas le nom des épouses des fermiers, du fait de la négligence des fonctionnaires et dune mauvaise information sur les lois. Si leur mari décède, les épouses sont dépossédées et expulsées de leurs terres sans aucun dédommagement. Ces paysannes sont ainsi venues sajouter aux centaines de milliers de paysans victimes des expropriations forcées, allant manifester dans les villes pour exposer pacifiquement leurs doléances. Cest contre ces «victimes dinjustice» que les autorités vietnamiennes ont adopté en 2005 le décret 38 et la circulaire 09 interdisant les manifestations devant les bâtiments publics.

La libéralisation économique a eu des effets très négatifs sur la condition féminine. Concernant laccès des femmes à léducation, la politique vietnamienne dite de « socialisation de léducation », qui à bien des égards est une privatisation de léducation, a mis fin à la gratuité de lécole et obligé les familles à payer pour la scolarisation de leurs enfants. Les familles pauvres perdent ainsi laccès à lécole et, si elles doivent choisir, préfèrent payer pour la scolarisation des garçons plutôt que celles des filles. Les filles des minorités ethniques sont particulièrement touchées puisque 20% dentre elles ne sont jamais allées à lécole.

Les conditions de travail des femmes sont très souvent pires que celles des hommes, et finissent par détériorer gravement leur état de santé. Quant à leurs salaires, ils systématiquement moins élevés que ceux des hommes, alors même que les salaires vietnamiens sont parmi les plus bas du Sud-Est Asiatique, à dessein puisque les autorités cherchent à faire du pays une terre de délocalisation grâce à des niveaux de rémunération minimale particulièrement bas. En outre, la situation professionnelle des femmes est également plus précaire puisque dans certaines entreprises, tomber enceinte durant les 3 premières années vaut rupture du contrat de travail.

Le rapport note que le trafic des femmes comme main dœuvre ou pour leur exploitation sexuelle saccroît de façon alarmante. Les jeunes filles sont envoyées de force en Chine ou au Cambodge où leur passeport est confisqué. Une jeune fille a rapporté avoir été violée par 47 hommes dès sa première nuit en Chine.

Alors que la violence physique est traditionnellement admise pour l«éducation» des épouses et des enfants par les maris (une femme décède tous les trois jours du fait des violences conjugales), le Vietnam continue de perpétuer des stéréotypes défavorables aux femmes depuis les livres scolaires jusquaux programmes de réinsertion des prostituées qui sont orientées vers des activités «féminines» (couture, coiffure, etc.). Le planning familial, centré sur les femmes à lexclusion des hommes, est à cet égard un échec puisque lavortement est devenu le principal moyen de contrôle des naissances avec un des taux les plus élevé au monde.

M. Vo Van Ai conclut en appelant le Vietnam à « lancer des réformes politiques »et « créer un climat ouvert sur la diversité et le pluralisme politique pour que toutes les femmes puissent participer au processus de développement social, économique, intellectuel et politique ». Parmi ses 25 recommandations, lerapport de du CVDDH/FIDH demande au Vietnam dautoriser létablissement dONG de femmes, de mouvements de la société civile, de journaux et de syndicats véritablement indépendants. Ces acteurs constitueront des garde-fous contre les pratiques discriminatoires et des mécanismes alternatifs pour la protection des droits des femmes.