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La méditation : ses effets sur le cerveau et le corps(2)

08-01-2013

La méditation : ses effets sur le cerveau et le corps(2)

2e partie

              Par Romain Landry

Survol de notre première chronique sur la méditation :

  • résumé de la philosophie occidentale;
  • aperçu de la pensée bouddhiste sur les émotions destructrices;
  • différences entre la pensée bouddhiste et la pensée occidentale, mais aussi points communs;
  • aperçu de la pensée bouddhiste sur la nature des émotions afflictives et des processus mentaux.

Deuxième jour de la rencontre : Les sentiments au quotidien

Au cours de la deuxième journée, on démontrera que :

  • l’émotion est un phénomène universel;
  • l’être humain a besoin de cultiver l’équilibre émotionnel.

1.   L’émotion, un phénomène universel

Paul Ekman, titulaire d’un doctorat en psychologie et maître de l’expression faciale, est capable de déceler sur le visage de quiconque les émotions que cachent ses sentiments les plus profonds. On arrive donc à savoir ce que la personne ressent, car à chaque émotion correspond une configuration non verbale des muscles faciaux.

Maîtriser ses émotions

Toutes nos émotions ont des répercussions sur l’état physiologique et l’état cérébral. La méditation permet surtout d’observer ses propres états mentaux, de déceler les émotions destructrices au moment où elles naissent, et ainsi arriver à les maîtriser.

Les grandes familles d’émotions

Le psychologue Ekman en dénombre 10 : la colère, la peur, la tristesse, le dégoût, le mépris, la surprise, la joie, la gêne, la culpabilité et la honte. En Occident, nous en savons très peu sur l’étude de l’émotion, et ce n’est que depuis quinze ans qu’on se penche véritablement sur le sujet. Le bouddhisme perçoit la compassion comme une sensibilité aux émotions des autres; elle agirait ainsi comme un antidote, et la nature humaine serait donc fondamentalement compassionnelle.

Méthodes propres au bouddhisme pour gérer ses émotions

  • Il faut apprendre à tirer des leçons de nos émotions destructives. Certaines méthodes de gestion des émotions sont propres au bouddhisme; ainsi, selon le Dalaï-Lama, nous pouvons arriver à nous débarrasser (déraciner) de certaines émotions nuisibles.
  • Cultiver l’équilibre émotionnel

 2.        Cultiver l’équilibre émotionnel

L’Occident n’a apporté aucune réponse claire à cette question, mais le bouddhisme est passé maître dans l’art de le cultiver : la pratique de la méditation et le système de philosophie bouddhistes datent de plus de deux millénaires.

Arborant un large sourire, le Dalaï-Lama affirme qu’il n’est pas nécessaire de se convertir au bouddhisme pour améliorer le sort de l’humanité, voire régler les nombreux problèmes du monde.

La discussion de la deuxième journée semble confirmer deux choses : transformer la société ne passe pas par l’enseignement religieux, mais par l’éducation générale fondée sur la science, et la méditation serait un antidote contre les émotions destructrices.

Troisième jour de rencontre : Des fenêtres sur le cerveau

  • Une neuroscience de l’émotion
  • Notre potentiel de changement

1.   Une neuroscience de l’émotion

La psychologie a vu son champ d’étude dériver vers le cerveau grâce à une foule de technologies inconnues, et ce, durant une bonne partie de l’ensemble du 20e siècle. Ainsi en est-il de l’électro-encéphalographie (EEG), de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRM) et de la tomographie par émission de positons (TEP). Ces technologies ont permis de voir le fonctionnement du cerveau, et de parler des relations entre les émotions destructrices et le cerveau.

La question de surmonter les émotions destructrices, et surtout d’en cultiver de positives, est devenue un moment charnière du colloque. L’intérêt du Dalaï-Lama était d’en arriver concrètement à voir ce que les gens peuvent accomplir dans le cadre d’une éthique laïque et humaniste. La discussion est revenue sur les foyers cérébraux des émotions afflictives que les bouddhistes appellent les « trois poisons » : avidité, agressivité et illusion (ignorance).

  • Notre potentiel de changement

1.  Notre potentiel de changement vient de l’intérieur plutôt que de l’extérieur

Le bouddhisme ne possède aucune notion d’un Dieu – un créateur extérieur responsable de tout – comme c’est le cas des trois religions monothéistes. C’est à l’intérieur de soi, de dire le Dalaï-Lama, que l’on peut provoquer le changement. Or la méditation est un excellent moyen d’y arriver. Pour la science, l’intervention extérieure se fait par la prise de médicaments ou par la thérapie génique.

La société actuelle est infestée de nombreux problèmes, particulièrement la violence. Il est toujours plus facile de s’en prendre aux problèmes extérieurs, l’économie ou nos politiciens, que de s’en prendre à nous-mêmes, voire à nos propres problèmes intérieurs. Ceci n’exclut cependant pas le rôle important de l’intervention de l’État.

La pratique quotidienne ou du moins régulière est indispensable au changement

Qui mieux que soi-même est en mesure d’assurer sa santé par une alimentation équilibrée et en faisant de l’activité physique? La médication est devenue trop souvent une solution de facilité.

Ingrédients facilitant le changement

Le changement nécessite la pratique quotidienne, voire la répétition. C’est par une éducation alternative de nos émotions, une éthique laïque et humaniste plutôt que par des préceptes religieux, que le changement sera possible. La science neurologique, en raison de ses effets tant sur l’aspect physiologiques que cérébral, a démontré la pertinence de la méditation.

Quatrième jour : Acquérir des aptitudes émotionnelles

Chaque culture possède sa propre façon de vivre et d’exprimer les émotions.

  • L’influence de la culture
  • À l’école du bon cÅ“ur
  • Promouvoir la compassion

1.   L’influence de la culture

Les recherches sur la culture se situent à trois niveaux : par rapport aux universaux (1er niveau), par rapport aux cultures (2e niveau) et par rapport aux différences individuelles (3e niveau).

Les *universaux ─ Par son séjour dans des tribus de Nouvelle-Guinée, Ekman a démontré que l’universalité de l’expression émotionnelle – la peur par exemple – témoigne d’un patrimoine biologique commun à l’humanité, rejoignant ainsi les idées maîtresses de Darwin. (*Universaux). Idées ou termes généraux permettant de classer les êtres et les idées.

L’étude des cultures ─ Jeanne Tsai, une Taïwanaise, s’est attardée au deuxième niveau. L’influence des cultures sur les émotions a constitué sa recherche de maîtrise. Née de parents ayant immigré aux États-Unis, elle était très intéressée à savoir si sa culture avait une influence sur sa personnalité, sa façon de ressentir, de penser et d’agir.

Dans sa thèse de recherche, elle a démontré que les enfants nés de parents émigrants Taïwanais sont, culturellement parlant, nettement différents, sous certains aspects des enfants de parents typiquement américains. Dans un autre ordre d’idées, elle a démontré qu’en général, les Asiatiques tendent à se focaliser sur les autres, alors que les Occidentaux tendent à se focaliser sur eux-mêmes.

2.   À l’école du bon cœur ou instruire le cœur

Mark Greenberg, titulaire d’un doctorat en développement pédiatrique, est persuadé, tant du point de vue scientifique que spirituel, que tout repose dans l’équilibre du cœur et de l’esprit et dans les façons d’aider les enfants à le trouver. Ce scientifique est même arrivé à établir le rôle des lobes préfrontaux dans le développement social et émotionnel.

Enseignement aux enfants et aux professeurs (programme PATHS)

a)     Les sentiments sont des signaux importants.

b)     Il faut séparer les sentiments des comportements.

c)     Réfléchir exige du calme.

d)     La règle d’or : traitez les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent.

En résumé, une pincée de prévention évite une tonne de remèdes, des années de psychothérapie, de traitement aux médicaments, voire de prison.

3.   Promouvoir la compassion

En conclusion, la contribution du Dalaï-Lama s’est avérée pertinente sur cette question. La compassion me sert de tranquillisant, dit-il, et j’en suis donc le premier bénéficiaire, pas les autres. On a comparé la visualisation dans le sport à la compassion au plan spirituel, car les deux agissent de la même façon : l’empathie joue un rôle se rapprochant de la compassion.

Cinquième jour : Des motifs d’optimisme

Parlons ici des effets sur le cerveau et la santé de la méditation et de « l’attention vigilante ». Apaiser l’esprit est l’une des forces de la méditation, voire de la science bouddhiste.

  • L’étude scientifique de la conscience
  • Le cerveau changeant

1.   L’étude scientifique de la conscience

Question : comment l’étude neurobiologique de la conscience et la tradition de la méditation peuvent-elle collaborer ensemble? Il faut pour cela rester ouvert au dialogue, et le Dalaï-Lama a grandement contribué à faire avancer le débat. La psychologie bouddhiste a beaucoup à nous apprendre sur le cerveau. Le dialogue a permis de constater que la vision des bouddhistes et celle des scientifiques ont beaucoup en commun. Il a été possible avec des « méditants » expérimentés de mesurer les effets neurologiques de la méditation.

2.   Le cerveau a la capacité d’être transformé

Un mythe disparaît. Le système nerveux central a la capacité de fabriquer de nouveaux neurones, ce que la science croyait impossible il n’y a pas si longtemps. Les faits l’emportent donc sur la théorie. Découverte intéressante : la méditation permet même de transformer le cerveau et ainsi, d’agir sur le tempérament qui devient modifiable. La médication le permet aussi, sauf qu’elle provoque souvent des effets secondaires indésirables.

La science moderne sur le monde du cerveau semble confirmer le fait que les émotions saines plutôt que malsaines sont bénéfiques en ce qu’elles réduisent l’anxiété et le stress. La méditation quotidienne, telle que l’encourage la psychologie bouddhiste, provoque donc un effet sur le cerveau, et cela sans aucune intervention de la religion ou des médicaments.

  

   Mathieu Ricard