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La Grossièreté cache souvent la Médiocrité

15-11-2011

La Grossièreté cache souvent la Médiocrité
Par Jean Erich René

L’art de se conduire, de s’exprimer et d ‘écrire relève d’un exercice de longue haleine que  procurent l’éducation familiale et un séjour prolongé sur les bancs de l’école. Dans ce monde dominé par l’espèce sonnante et trébuchante, on peut tout acheter. Cependant les éléments du discours, en un mot le logos et l’art de se comporter, ne sont pas en vente dans les magasins prêt-à-porter.  Il s’agit d’une culture ciselée par la patine du temps. On ne peut non plus obtenir aucun crédit même dans les institutions financières de la place les mieux cotées  en bourse. Tout s’acquiert au comptant et au fil du temps. Quels que soient, votre rang dans la hiérarchie politique,  votre fortune, vos épithètes et attributs sociaux, l’art d’écrire et de parler aussi bien que les règles de la courtoisie et  du protocole ne s’apprennent pas séance tenante. Il faut un long apprentissage.

Généralement la taxonomie se base sur les caractéristiques de forme, d’habitat, de comportement etc. pour classer les espèces vivantes. Il est tout aussi aisé, pour le commun des mortels,  de reconnaître une plante par ses fruits et la senteur que dégagent ses fleurs. On peut identifier  l’animal grâce à  ses plumes, sa toison, son cri et ses empreintes. Malheur aux observateurs distraits qui,  dans leur égarement, arrivent à confondre le bêlement du mouton et le hurlement du loup, les griffes du lion aux sabots du bœuf. Ils courent le risque de se faire dévorer au fond des bois sans laisser de trace. Si la Constitution définit  le pouvoir du Président  de la République et les prérogatives qui sont attachées à sa fonction mais elle reste muette sur l’étiquette, le protocole et les règles de la courtoisie. D’ailleurs l’un des objectifs des élections c’est de choisir un(e) candidat(e) à l’image du pays, de la circonscription, de la commune  et de la section communale qu’il(elle) va représenter.

 

A dire vrai, les élections de 2011 étaient dominées  par le reniement total de la classe intellectuelle et la fatigue des règles du protocole et de la courtoisie que nous ont léguées nos ancêtres soucieux d’atténuer la rudesse primitive des rapports de nos concitoyens. L’électorat haïtien  en  optant pour un changement total capital, à la saveur d’un récital de mots sales, a commandé la marchandise avariée que lui a livrée exactement le CEP. Maintenant c’est à nous tous de payer la facture. Il est trop tard pour pleurer et trop tôt pour se ressaisir. Nous récoltons aujourd’hui ce que nous avons semé et nous sommes bien  obligés d’avaler ce plat indigeste pendant 5 ans.

 

 

Qui a élu Michel Martelly à la Magistrature Suprême de l’État ? Une majorité qualifiée à 67,57% des voix, a fait de Sweet Micky l’homme fort du moment. Point d’exclamation ! Que les échantillons d’électeurs  se chiffrent seulement à 716.000 votants,  selon les lois statistiques,  ils sont représentatifs de toute la population. Les abstentionnistes ont tort ! Nous vivons dans un monde probabiliste, les sondages d’opinion, les enquêtes sociales et les résultats des élections, compte tenu de la taille de l’échantillon aléatoire en question, sont inférés à toute la population. Où était la presse au fort des élections de 2011 ? Où était l’apôtre du « Rache Manyòk, A ba lekòl » Mgr Willy Romélus qui est en train de verser aujourd’hui ses larmes de pécheur non repenti sur le net. Les obscénités n’ont pas commencé avec Michel Martelly. En 1994, l’Evêque de Jérémie au fort de sa puissance avait prononcé aussi ces propos peu catholiques:  « M pa lan tete lang ak  Lame ».  Qui a conseillé récemment à Michel Martelly de porter son pantalon de Sweet Micky?

 

Le Chef de l’État est le Premier Citoyen de la Nation c’est à dire le prototype du Corps Social qu’il représente partout où il va. On ne doit rien laisser au hasard dans ses déplacements. Ses discours tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, son protocole vestimentaire, sa tenue de langage etc., importent beaucoup pour l’image du pays. Aussi doit-il s’entourer de conseillers tirés sur le volet  Dans le cas contraire, le pays marche droit vers sa perte.

 

On ne donne que ce qu’on a et surtout ce qu’on a appris. Tous les chefs d’État du monde reçoivent des cours  de maintien pour savoir comment se comporter lors d’un entretien public pour ne pas choquer la presse, ce quatrième et dangereux pouvoir. Le 56e Président d’Haït doit éviter de brader les journalistes par ses sarcasmes coutumiers. Il est vrai que le journaliste a fait preuve de peu d’égards envers le Président de la République en lui reprochant de n’avoir pas répondu à sa question et accordé  la priorité  à la presse étrangère. Cependant la répartie du Chef de l’État par son caractère  grivois, abscons, est généralement  épinglée aux  individus de bas étage.  « Le colon guette ta maman » est un juron qu’adressait autrefois  les enfants au fils de l’esclave au cours d’une dispute pour l’invectiver et le piquer.

Par contre réprimander un Président qui n’a pas la réponse à votre question, est un manque flagrant de tact de la  part du journaliste. Il est dangereux d’acculer  publiquement un homme politique. Le réflexe de tout animal traqué c’est de bondir . Un rat aurait fait de même. Serge Beaulieu de Radio Liberté conseillait toujours aux journalistes de se brosser les dents avant d’aboucher le microphone.

 

En cette pénible circonstance, il est aussi triste de relever le bas profil de la plupart de nos journalistes au point de vue de leurs attitudes comportementales. Leurs tenues au microphone souvent passent outre les règles du protocole et de la politesse. La démocratie n’invite personne à transgresser les règles qui régissent les rapports avec les autorités constituées. Un journaliste doit faire preuve d’un certain décorum en s’adressant à un Chef d’État. Tout autre que Michel Martelly , s’il s’appelle  Prosper Avril, Jean Bertrand Aristide etc., les réactions seraient pires. Il  y a une manière de s’adresser à chaque personnalité, selon son rang. On ne parle pas à un homme d’État comme à une prostituée. Et là encore, ce métier a ses finesses, si l’on veut éviter un brûlant accrochage.

A la faveur des derniers événements politiques qui ont bouleversé  la société haïtienne, on tente de répudier les règles de politesse en les étiquetant de bourgeoises. On veut tout foutre en l’air. Est journaliste qui veut! N’importe qui peut faire n’importe quoi  et m’importe comment :

  • point n’est besoin d’apprendre à lire ni à écrire pour occuper une fonction publique,
  • recevoir une éducation de famille est blâmé comme une attitude bourgeoise,
  • le harcèlement  sexuel incube et succube est une pratique courante dans nos boites.
  • le président du Sénat reconnaît avoir falsifié la Constitution corrigée, il n’encourt  aucune sanction par ses pairs. Au contraire il continue à présider  l’Assemblée,
  • les votes de nos parlementaires sont vendus comme des feuilles de choux au marché.

 

C’est la conspiration du silence et du laisser-faire dans tous les compartiments de la société haitienne. L’attitude comportementale du Chef est l’une des plus grandes marques de son autorité. La déférence du subordonné dépend étroitement de l’image perçue. La nébuleuse du monde politique haitien soulève bien des questions. Au Ve siècle, l’Agora chez les Grecs n’était  pas un lieu de cabales mais le Centre du Cosmos Circulaire c’est à dire un lieu de rencontre des citoyens qui maitrisaient de manière symétrique cet espace civique sur un même pied d’égalité à la fois comme sujet et objet. L’amour et la sagesse en un mot philo-sophia (philosophie) sophia pris dans le sens de savoir, guidés par la raison comme arme doivent toujours imprégner les préoccupations politiques afin de dégager un  mieux-vivre au bénéfice de tous. Selon Aristote ses principaux ennemis sont:

  1. la bêtise
  2. le fanatisme
  3. l’obscurantisme

Malheureusement  le hasard des circonstances lance certains hommes  politiques sur des pistes auxquelles ils ne s’attendaient pas. A la croisée des chemins, ils craquent. Pour combler le vide de leur contenance, ils cherchent à se donner des apparences de hauteur en éclatant leurs colères par des excès de langage. De tels débordements traduisent certainement leur manque de politesse  mais la grossièreté cache souvent la médiocrité.