Surenchère d’information -Conclusion -2
Par Michel Frankland  Â
Nous terminions, lors de la première partie de la conclusion, en établissant la relation, pour le Québec, entre la faiblesse d’enracinement dans le temps et le danger de l’assimilation.
Nos compatriotes anglophones souffrent d’un autre handicap dont les effets s’avèrent aussi pires. Pour le bien comprendre, il m’apparaît utile de rappeler des éléments de la gauche et de la droite[i].
La gauche perçoit la société comme un tout ; la droite, comme un ensemble d’individus. Globalement, le Québec se trouve plus à gauche ; le ROC, plus à droite. En effet, pour le «Rest Of Canada», une société est composée d’un ensemble d’individus. La dignité est fondée d’abord sur la personne ; sur la nation ensuite. Ainsi, dans la mentalité anglo, il y a d’abord des citizens. L’inférence saute aux yeux. Elle se vérifie clairement dans la réalité également. Le citizen veut qu’on respecte sa liberté. Symétriquement, il se montrera très tolérant envers la liberté des autres. On a beau pratiquer les coutumes les plus abstruses, présenter un calendrier de fêtes tout à fait différent du nôtre, pas de problème. Soyons tolérants !
Le cas du kirpan illustre fort bien cette différence. Pour le Québec, peuple pour qui l’histoire a de l’importance (malgré le rejet historique survenu avec la Révolution tranquille). Conséquemment, les coutumes qui en sont issues aussi. Si bien que les coutumes étrangères sont facilement perçues pour ce qu’elles sont souvent : des refus d’intégration. Le kirpan constitue par excellence une tradition inacceptable. Surtout parce que c’est un couteau. Le gros bon sang québécois (avec ou sans jeu de mots) ne fait qu’un tour : «A-t-on idée d’une telle anomalie !»
Plus encore, l’automne dernier, la cour d’appel de l’Ontario a statué que les femmes musulmanes peuvent demander une ordonnance forçant les hommes à quitter la salle d’audience – le personnel de la cour, les avocats, et même le juge – avant d’enlever leur voile pour témoigner. […] Mais beaucoup de progressistes ne dénoncent pas le fanatisme quand il se présente sous la forme d’un immigré non chrétien et non blanc.
Le litige, on s’en souvient, aboutit à la Cour suprême. Fidèle à la conception anglo du citizen . Elle juge le kirpan acceptable. Consternation dans les chaumières québécoises. En entendant ce jugement, je me suis dit : «C’est là de la matière utile pour le discours indépendantiste.»
Cependant, des voix commencent à s’élever chez les Anglo-canadiens. Ils perçoivent de mieux en mieux le caractère malsain de ces ghettos qui grandissent à vue d’œil. Le réflexe communautaire, non négligeable chez eux, commence à jouer du piston.
Plus profondément, la cause du type de dérapage anglo-saxon par rapport au temps tient à la conception même de la division du temps. Nous touchons ainsi à la structure intime d’un groupe, la grammaire opérant à la base même de la perception. Au fil de ma vie intellectuelle, Gustave Guillaume m’est apparu le plus brillant sur ce sujet. Dans Psychosystématique du langage, et encore plus spécifiquement dans Temps et Verbe, il analyse comment les structures linguistiques découpent le temps. Le mens anglo-saxon table sur deux périodes chronologiques : le passé et le non-passé. Vous l’aurez peut-être remarqué, il n’y a pas à proprement parler de futur dans ces langues. Le futur est COMPOSÉ. He Will go. Ich WERDE gehen. Ce sont des verbes qui confinent au projet et à la volonté. Présenté autrement : il y a chez eux un continuum présent-futur. C’est un mode chronologique du devenir. On peut dire en anglais «Did you win ?». Mais j’ai aussi entendu plus naturellement : «Have you been winning?» Bref, l’anglo-saxon se sent plus à l’aise dans l’action – dans le temps comme déroulement intimement imbriqué dans l’action. D’où la facilité dans la technique et les conquêtes militaires.
Personnellement, en traduisant en anglais pour un éditeur mon livre de bridge, je me suis rendu compte que le côté anglais en moi s’avère nettement plus simple. «Get down to business !», attitude typiquement anglo-saxonne.
Ce qui importe donc dans cet univers mental, c’est un arrangement concret. Comme le veut la boutade, un Français s’appuie sur 10 principes pour arriver à une action ; Un Anglais part d’un principe pour produire 10 actions.
Le temps concret. Le temps individuel. Le temps du citizen. Pour les principes, on repassera. On s’arrange. On fait avec. Le temps comme démarche pratique où on trouve des compromis. Le musulman qui arrive chargé d’une civilisation enracinée bien loin de nous, ou le Sikh avec son turban, autant de citizens avec lesquels il s’agit de trouver des compromis. Bref, la preuve ne se situe pas dans les entrepôts de la pensée. Non, the proof is in the pudding !
Dans le prochain article, j’aborderai un phénomène dont on a beaucoup parlé : la révolte égyptienne. Vous croyez qu’on a fait le tour du sujet ? Vraiment ?…
[i] Voir à ce sujet mes nombreux articles sur la gauche et la droite dans des numéros antérieurs.
Michel Frankland
site de bridge jugé incontournable par les experts
http://pages.videotron.ca/lepeuple/___________________________________________________________
Christine Schwab
psychologue compétente et extrêmement honnête avec ses clients
(pas de prolongation inutile de traitement)
www.cschwab.net____________________________________________________________
Henri Cohen
Un expert en pollution domestique et industrielle,
www.coblair.com