Montréal

Nouvelles

La pudeur

18-04-2018

La pudeur

 

 par Michel Frankland

La pudeur est une vertu de fond. D’autant plus nécessaire que notre monde de selfies et de superficialités variées s’en trouve dépourvu.

Pour bien comprendre la pudeur, procédons par repoussoir. Considérons ses contraires. D’abord le trafic oral et visuel. Nous sommes bombardés d’annonces, de spectacles à hauts cris qu’on dit musicaux, de trépidations diverses. Nous fuyons dans le bruit et les cohortes d’images. Nous fuyons les niveaux et exigences de l’âme.

Tellement qu’il est coutumier pour plusieurs, près du quart ou même du tiers des fidèles, d’arriver en retard à la messe. Il y a plusieurs bonnes raisons pour être en retard à l’office religieux. Il ne s’agit donc pas de porter le discrédit chez le fidèle individuel qui tarde à passer le seuil de la porte de l’église. Mais le fait global demeure. Plusieurs viennent à la messe par devoir, non par besoin. Ils se présentent pour ainsi dire à reculons. « J’y vais, parce qu’il le faut, mais je préférerais être ailleurs. »

Il y a quelques années, ma femme, ma fille ainée et moi nous sommes pointés un dimanche à une messe ukrainienne. Que de dévotion ! Pas celle des images saintes et anges joufflus. Une vraie dévotion, tellement ressourçante car on ne la rencontre pas suffisamment dans nos lieux de culte. Ici, c’était la communauté entière. Piété, pudeur dans les cérémonies religieuses.

Un autre contraire de la pudeur réside dans la vulgarité. Grossièreté des élèves envers leur prof, voire agression physique. Gags vulgaires dans les shows pour rire. Avec sacres à l’appui de faibles drôleries. D’ailleurs, Donald Trump, élu président, par ses contradictions quotidiennes, se promène d’insultes tonitruantes en un contraire douteux, tel un essuie-glace qui couvrirait l’ensemble des perceptions.

Enfin, un opposant tenace à la pudeur réside dans la fuite silencieuse dans l’écran du cellulaire-petit-ordi. Cet opium de la pensée moderne n’a que les semblants du recueillement. Il constitue une douce évasion dans les enchevêtrements des confidences, des racontars, des sites pornos et autres distractions généralement superficielles. Évidemment, ce bidule ne recèle pas que du négatif. Il sert à plusieurs niveaux d’utilités. Le fait demeure, cependant. Pour plusieurs cependant, il agit comme une drogue douce, une distraction gentille. Il se trouve par là à nous écarter de nos zones plus profondes.

La pudeur s’associe naturellement à la bonté du cœur, à la politesse. Elle ne cherche en rien à briller. Elle rend à l’aise le groupe où elle se trouve. Sait écouter avec un amour discret mais une réelle tendresse.

La pudeur émane de l’âme en direct. Le respect, vertu moderne fort appréciable, constitue un parent de la pudeur, dont elle s’approche à tâtons sans en atteindre tout le suc spirituel.

On ne peut accéder à la pudeur sans ressentir au fond de soi le goût de vivre son âme.