Montréal

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LES DEUX SORTES D’ADMINISTRATEURS 2

21-12-2017

 

Par Michel Frankland

Un article récent de L’Actualité touche le fond du problème. Les théoriciens tout azimut de ce deuxième groupe d’administrateurs ne visent que des objectifs généraux au lieu de ceux, tout à fait nécessaires, les objectifs opérationnels, stratégiques. Voici donc une reproduction de la page 26 de L’Actualité de novembre 2017. Elle évalue justement de manière opérationnelle, par ministère le degré du caractère opérationnel de ses projets.

 

Vous consulterez vous-mêmes cet excellent article. Vous verrez que certains ministères s’en tirent à peu près correctement (la Santé, entre autres), mais d’autres, comme celui de la Justice, en prennent pour leur rhume. Les divers procès importants avortés en sont une des conséquences assez désespérantes merci. D’ailleurs, le nouveau bâtonnier de Montréal, Paul-Matthieu Grondin,

a remarqué vertement que le Palais de Justice de Montréal consistait en un vaste entrepôt de documents. La paperasse, spécialité du deuxième type d’administrateurs !

Des membres influents du gouvernement sont évidemment conscients de cette lacune. Un document du 12 janvier 2015 émanant du Conseil du Trésor1 définit clairement les objectifs opérationnels à poursuivre :

Dans l’administration publique québécoise, une organisation est considérée comme performante lorsqu’elle s’acquitte de sa mission en atteignant ses objectifs stratégiques et opérationnels, notamment en matière de qualité de services aux citoyens, ainsi que lorsqu’elle utilise de manière économique ses ressources, maintient un climat de travail adéquat et offre des biens et des services de qualité dans le respect des lois et des règlements qui s’appliquent. »

À partir de cette définition, le rapport de la Commission de l’administration publique énonce quatre critères d’appréciation de la performance :

  • Accomplir des activités qui couvrent l’ensemble de sa mission

  • Réaliser ses objectifs stratégiques

  • Produire des services de qualité à l’intention des citoyens

  • Exercer une gestion adéquate de ses ressources

Et, pour insister, le Conseil du Trésor, connaissant bien la tendance à l’abstraction des fonctionnaires du deuxième groupe, insiste ainsi :

l’information présentée dans les rapports annuels de gestion doit être complète et rigoureuse, et avoir les qualités suivantes :

  • Être cohérente avec les autres documents;

  • Présenter les résultats obtenus et leur mise en contexte;

  • Révéler le degré de satisfaction de la clientèle;

  • Faire état des correctifs ou des solutions de rechange;

  • Expliquer les liens entre les coûts, les activités, les produits et services et les résultats.

Et on pourrait ajouter : combien de temps avant que le projet se réalise ?

 

Courage donc, agrémenté d’un peu d’humour. Les administrateurs inefficaces finissent toujours par s’imposer. La raison, à mon sens, tient à ceci que la nature de l’administration publique comporte deux caractéristiques. D’une part, elle agit en vase clos ; d’autre part, elle implique la prise en compte de multiples informations. C’est pour cela que les personnes malhabiles à s’adapter y trouvent un emploi rêvé. Mats Alvesson et André Spicer 2relient justement ce comportement catatonique à la peur des complexités de la vie concrète.

On comprend mieux maintenant pourquoi les administrateurs du deuxième groupe seraient mal à l’aise s’ils faisaient partie du sous-groupe d’administrateurs en contact direct avec le public.

En somme, le premier groupe d’administrateurs utilise l’administration comme un moyen pour que le citoyen en ait pour son argent ; le deuxième groupe en fait un mécanisme de défense contre la complexité de la Cité.

 

1 https://www.tresor.gouv.qc.ca/cadredegestion/actualites/detail-de-la-nouvelle/quels-sont-les-criteres-dappreciation-de-la-performance/index.html

2 A Stupidity-Based Theory of Organizations [http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1467-6486.2012.01072.x/full