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LES DEUX SORTES D’ADMINISTRATEURS I

19-12-2017

LES DEUX SORTES D’ADMINISTRATEURS I

 

par Michel Frankland

J’ai cherché où j’avais trouvé le nom du monsieur qui a formulé une loi sur la nature de l’administration. Je l’ai déniché chez Mauldin, Il cite un ami qui a formulé une loi sur la nature des administrateurs. Cette loi nous présente une vision originale, cynique, et à mon sens avérée.

La nature de l’administration crée deux groupes d’administrateurs. Ces deux groupes se retrouvent au public et au privé.

Le premier groupe utilise l’administration en vue d’aider leurs commettants. Par exemple, une personne de ce groupe travaillant pour une compagnie d’assurances s’interrogera sur la clarté des textes reçus par les assurés. Il lira attentivement les lettres de récrimination de ceux-ci pour en tirer les nuances dans les directives de l’entreprise envers les clients. Ces façons de faire sont-elles vraiment à jour, en syntonie avec la sensibilité moderne ?

L’administrateur public de ce premier groupe pensera rendement. Comment le payeur de taxes en aura-t-il pleinement pour son argent ? Il examinera les différents rouages de la machine d’État, cherchera à la rendre plus efficace. Identifiera des cibles précises, situées dans un créneau chronologique et financier.

Bref, le premier groupe d’administrateurs considère l’administration comme un moyen. C’est un outil complexe qui sollicite une révision périodique, particulièrement dans l’administration publique.

L’administrateur du deuxième groupe est d’une toute autre cuvée. Distinguons cependant, les administrateurs en contact constant avec le public. D’ailleurs, les administrateurs du deuxième groupe ne s’y retrouvent jamais.

Avec ces derniers, nous sommes dans l’absolu. Ce zombie vit dans l’abstraction. Son but consiste à produire un texte sans faille, qui explique tout. Il rationalisera en affirmant que son objectif réside dans la compréhension chez le client ou le citoyen. En somme, le deuxième groupe d’administrateurs considère l’administration comme une fin en soi.

Ses écrits, cependant, aussi clairs en théorie qu’on peut le souhaiter, n’atterrissent jamais vraiment. Ils ne comportent aucune incidence vraiment pratique.

Ce Don Quichotte de la pensée ne garde pas longtemps son emploi dans le privé. À deux exceptions près. S’il appartient, ne serait-ce que par alliance, à la famille du patron. Deuxième exception, s’il travaille pour une méga-entreprise qui estime que ces belles pensées pourraient plaire à un certain pourcentage des détenteurs de parts dans l’entreprise.

C’est surtout dans la fonction publique qu’il se niche. Il réussit, progressivement, à rendre l’administration inefficace.

Car la loi formulée par l’ami de Mauldin consiste en ce constat désolant : c’est ce deuxième genre d’administrateurs qui finit par s’imposer. Bref, l’administration publique dévale lentement sur une pense entropique. Quelques exemples l’expliquent davantage.

Causant avec mon ophtalmologiste, il me fait part de la mésaventure suivante. Il lit un article sur une nouvelle machine ophtalmologiste inventée par les Américains. Il en fait part au gouvernement. Y aurait-il moyen d’en acheter un exemplaire que pourraient tester un groupe d’ophtalmologistes ? S’en est suivi une démarche gouvernementale dans la plus pure tradition que je viens de décrire. Après beaucoup de lettres, de demandes de précisions, plusieurs mois plus tard, le gouvernement du Québec accède à sa demande. Réponse laconique de mon spécialiste : « Oubliez ça, ils viennent d’en produire une autre meilleure. »…

Jacques Duchesneau, ancien chef de police de la ville de Montréal et déjà élu à l’ADQ, remarquait qu’à l’Assemblée nationale, il y a des projets de loi sur lesquels tous les partis s’entendent. Mais personne ne veut les proposer. Tous savent fort bien que la lourdeur et lenteur administrative prendraient un temps démesuré à finir par aboutir à un produit potentiellement valable.

Dans la deuxième partie de cet article, nous consulterons une page de la revue L’Actualité. Nous

verrons, pour chaque ministère, dans quelle mesure il atteint les objectifs opérationnels. Quels succès, mais de lamentables échecs…