Le monde en orbite 5
Par Michel Frankland
L’uniforme
Certains, estime-t-on, n’ont rien à cirer de la mode. Ils ne mettraient jamais un uniforme ! Ils ont, à une époque, laissé pousser leur chevelure à la longueur de leur rejet du costume officiel. Et, depuis des lunes, leur jean est déchiré au genou.
On ne peut mieux définir l’uniforme. Cette manière de se vêtir est précise, et les personnes qui portent mal cet uniforme – par exemple, portant un jean non troué – se trouvent, silencieusement mais définitivement, exclues du groupe. Bref, un pattern vestimentaire aux caractéristiques précises d’une collectivité identifiable. J’ai même vu aujourd’hui, 3 juillet 2017, une fille portant un jean trouvé, mais dont les bords autour des trous étaient cousus de petites simili-perles ! La boucle est-elle bouclée ? L’uniforme parallèle se standardiserait ? Mais non, c’est l’exception, bien inconsciente, qui confirme la règle.
Leur uniforme représente, par définition, un rejet. Mais lequel exactement ? On pense, bien sûr, au rejet d’une classe sociale. Mais la nature de leurs vêtements est plus complexe. Des rejetons de famille tout à fait à l’aise financièrement portent cet uniforme.
Il s’agit plutôt, pour eux, d’un enjeu moral. Ils prônent le retour à ce qu’ils jugent la vraie nature humaine, sans fard, sans l’ostentation des chefs de file des bien-pensants. D’où leur humilité dont leur jean troué témoigne « discrètement ». Des « vrais » !
Dans le même sillage du rejet de la société générale se trouvent les cyclistes dont l’observation des arrêts de coin de rue ne constitue qu’un prolongement de règlements pesants, contraires à l’inspiration du moment. Le journaliste Richard Martineau en a tiré un court documentaire. On le voit, au coin d’une rue, inviter les cyclistes à respecter le Stop en vigueur. Peine perdue pour les 19 premiers, avec, fréquemment, un doigt d’honneur à cet empêcheur de voyager personnellement. Enfin, le vingtième fait son stop. Martineau s’empresse d’aller lui serrer la main.
Nous vivons, analyse Martineau dans Le Journal de Montréal du 3 juillet 2017, le règne de l’enfant. Nous remplaçons l’analyse objective, fondée sur la raison, par le règne de l’émotion. Ainsi de la sensiblerie autour des animaux. Il ne faut pas tuer ces phoques tendres et beaux ! Mais le père de cet enfant lui fait remarquer que le nombre de phoques est inversement proportionnel au nombre de poissons qui nous restera à manger. De même, il faut accueillir le plus d’immigrants possible, clame la société trouée ; la raison rappelle qu’il ne convient d’accueillir que les personnes qu’on peut intégrer. De même enfin, l’émotion de l’uniforme parallèle s’enthousiasme pour le respect proposé par le multiculturalisme ; la raison répond que cela segmente en ghettos le tissu social et retarde gravement, voire indéfiniment, leur intégration socio-culturelle.
Bref, l’uniforme d’une société parallèle, qui, à mon sens, verse dans un romantisme dont l’émotion s’avère souvent incompatible avec les contraintes de la réalité.
Il se peut qu’il y ait un sixième article sur le monde en orbite. Mais il n’y en a pas en rédaction. Je vous tiens au courant, et je reçois avec respect vos commentaires intelligents.