Montréal

Nouvelles

« Divide et impera »

13-11-2015

« Divide et impera »

Me Serge H. Moïse 

avocat

Diviser pour régner disaient les Romains, cette formule éprouvée au fil des siècles, toujours d’application d’ailleurs par les puissances prédatrices, trouve un terreau fertile dans les pays sous-développés du quart-monde.

Il n’est certes pas superflu de rappeler que de l’indépendance à nos jours, les crises épisodiques, objet de nos interminables disputes, pronunciamientos, coups d’état, « rache manyok » ont largement contribué à la faillite nationale.

Franklin Delanoë Roosevelt ne s’est pas gêné, il n’y a pas si longtemps pour déclarer qu’il fallait dans ce pays nègre, faire en sorte que les sans souliers soient toujours à couteaux tirés avec les nantis bien chaussés.

Cette « arme psychologique » semble avoir fait plus de ravage entre nous que l’agent orange « arme chimique », défoliant déversé sur le Vietnam, et qui, de nos jours, inquiète tellement en ce qui a trait à la Syrie.

Dussions-nous passer pour un enquiquineur auprès des gens à courte vue, nous estimons de notre devoir d’insister, de marteler au besoin ces paroles de grande sagesse, savoir : « Toute famille divisée est affaiblie et appelée à disparaître ».

Pour n’avoir rien appris de nos erreurs passées, nous voici encore une fois, face à une énième crise sociétale mettant davantage en péril cette nation tellement fragilisée. Or, à notre grand étonnement, les coopérants internationaux semblent constater que tout va bien comme chez madame la marquise.

En dépit des nombreux discours d’apaisement du président de la république, mis à part certains de ses écarts langagiers de très mauvais aloi, de plus en plus de voix réclament à cor et à cri, des redressements au niveau de la gouvernance qui suscite inquiétude et désespoir.

L’honorable Steven Benoît n’a pas mâché ses mots, le projet de loi sur le budget récemment déposé s’avère, selon lui, une démarche « criminelle » à l’encontre de la population et sera ipso facto retourné au pouvoir exécutif pour les suites nécessaires.

La Fédération des Églises Protestantes d’Haïti s’est sentie obligée de sortir de sa réserve habituelle, afin d’exprimer son ras-le-bol quant au laxisme et la mauvaise orientation des choses, exhortant ainsi les membres du gouvernement à se ressaisir avant qu’il ne soit trop tard.

L’honorable Heidi Fortuné, Magistrat et Juge d’Instruction dans son article intitulé : « Le cauchemar continue » se lamente de ce que la justice est brocardée par ceux-là même qui sont chargés de la faire respecter.

La cause du décès de l’honorable Jean Serge Joseph, Magistrat et Juge d’Instruction n’est toujours pas élucidée en dépit des deux rapports accablants des commissions du sénat de la république et de la chambre des députés.

Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent les cas d’arrestations illégales à des fins purement politiques.

Notre confrère Me André Michel a dû se mettre à couvert, faisant l’objet d’un mandat d’amener en violation des lois de la république y compris celle régissant la profession d’avocat.

L’Office Pour la Protection du Citoyen par l’organe de sa directrice générale, Mme Florence Élie, a dû se livrer à un plaidoyer en règle auprès du parlement en faveur des laissés pour compte qui croupissent dans nos centres de détention toujours en violation des règles de droit.

Une dizaine de commissaires du gouvernement défilent au parquet près le tribunal de première instance de Port-au-Prince pour des raisons plus ou moins mystérieuses.

Alors quid de la vigoureuse rixe à la chambre basse qui aurait pu nous rappeler les plus beaux jours de Mohamed Ali, Joe Frazer, Georges Foreman et consorts, faut-il en rire ou en pleurer?

Pour ce qui est de la création d’emplois, priorité des priorités, motus et bouche cousue.

La diaspora, éprouvant des difficultés à s’organiser pour être fonctionnelle, tenue à distance raisonnable, donc incapable de participer activement à la refondation et à la reconstruction de l’alma mater.

Autant de pommes de discorde qui alimentent l’insatisfaction de la population, ces facteurs de division entre gouvernants et gouvernés, l’absence d’une saine justice pour assurer la paix et l’ordre dans la cité, le laxisme et l’incompétence de certains responsables, le tout maintenu à dessein par la main invisible avec la complicité de certains d’entre nous, font perdurer cette situation de chaos.

Puisque le dialogue national s’annonce pour très bientôt, à visière levée et en toute transparence, le génie et la perspicacité de nos négociateurs aboutiront, à n’en pas douter, à un deal gagnant-gagnant à partir duquel les riches pourront devenir plus riches, les pauvres définitivement moins pauvres et ce sera la fin des divisions suicidaires, le début de l’ère du vivre-ensemble dans l’harmonie et la solidarité indispensables au salut de la nation.