Montréal

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L’indépendance entre deux chaises (2)

01-09-2015

L’indépendance entre deux chaises (2)

 par Michel Frankland

Nous avons décrit, dans le premier de ces deux articles, l’évaluation plutôt raide de PKP par Pierre Dubuc1, puis la lourdeur administrative propre à la gauche.

Bref, cet ensemble d’errements administratifs est caractéristique de la gauche vécue. Pas la gauche théorique. Celle-ci n’existe que dans le cerveau des Don Quichottes de la politique. Ainsi, une journaliste avait calculé que les dépenses encourues à Papier Gaspésia, fleuron péquiste de l’investissement communautaire, équivalaient à des salaires de 500,000 par ouvrier. Et le fleuron s’est fané…

 

Mais la tragédie des forces indépendantistes dépasse amplement la lourdeur administrative qu’elles ont tendance à créer. Elle se situe à un niveau tout à fait concret, inéluctable pratiquement : L’opposition de la puissance financière. C’est Paul Desmarais, le magnat de Power Corporation, qui a le mieux formulé la tragédie péquiste. En page 124 de PKP dans tous ses états, Dubuc écrit «Paul Desmarais déclarait qu’il s’opposait à l’indépendance du Québec parce « que les séparatistes nous conduisent à la dictature des syndicats  » ».

 

La tragédie péquiste tient à ce que son orientation gauchiste l’oppose radicalement au groupe qui, dans la vraie vie, contrôle la politique. La seule façon de réaliser l’indépendance consisterait dans la réorientation de droite du PQ. Mais les convictions collectives se rapportent évidemment aux générosités de la gauche. Le cœur est à gauche. Il faudrait, paradoxalement, que le Québec renie ses tripes pour réaliser ce que ses tripes lui enjoignent de réaliser. Jolie quadrature !

 

Dans la mouvance collective, comme d’ailleurs dans les démarches vraiment significatives de nos vies personnelles, le succès demande toujours une réflexion objective poussée, reprise, repensée, pour en saisir les anfractuosités les plus portantes comme les plus débilitantes.

 

Sommes-nous capables de cela ? Les peuples ont, par définition, une intelligence moyenne, un courage moyen. L’héroïsme populaire, c’est de chaque jour conduire les enfants à la garderie, de bien calculer son budget avec les sacrifices qu’il impose, de se comporter correctement avec un patron difficile, etc. Le peuple, c’est Sancho Pansa. Et le parti de ce peuple rêve à toutes les «donquichotteries» possibles. Mais les barons qui gouvernent le monde lui barreront toujours la route avec leur efficacité froide. Objective. Minutieusement orchestrée. Contrôlant tous les leviers déterminants de la société.

 

L’Actualité de Septembre 2015, dans un article au titre frappant – «Les partis politiques vous espionnent» – nous met au parfum d’une puissance de l’ombre d’une efficacité politique redoutable. Environics Analytics 2fouille chaque comté à la manière d’une analyse de laboratoire.

 

À l’intérieur du dossier se trouve une mine de renseignements sur les électeurs de la circonscription : noms, adresses, âges, emplois, valeurs, centres d’intérêt… On y compte 60 profils sociodémographiques, 40 francophones et 20 anglophones : «jeunes familles», «couples d’âge mûr sans enfants», «travailleurs âgés», «retraités», «étudiants», «jeunes bohèmes», «entrepreneurs décidés», etc. Sur une carte, Environics a attribué à chaque code postal le profil de la majorité des résidants dudit code postal. Puis, il a superposé sur la carte les résultats de l’élection de 2012 par bureaux de scrutin. Ce qui permet de savoir comment chacun des profils a voté et où se situe le potentiel de croissance du parti3.

 

L’indépendance, dans son orientation classique de centre-gauche, ne peut pas se réaliser. On se prend à penser que cette évidence n’effleure à peine qu’un nombre fort restreint de péquistes. Oui, vraiment, l’indépendance est entre deux chaises. !

 

 

 

1 L’Indépendance dans tous ses états, Montréal, Éditions du Renouveau québécois, 2015, 156 p.

2 Une division de la maison de sondage torontoise Environics. Et ce n’est qu’UNE des sources d’info politique.

3 pp. 20-21