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Quelle politique énergétique pour le Québec?

02-07-2015

Quelle politique énergétique pour le Québec?

 

          par Louise Morand

Aux États-Unis, le développement de la filière du gaz de schiste n’a pas permis de diminuer la dépendance aux hydrocarbures, au contraire. Les gaz à effet de serre (GES) continuent d’augmenter, et cela, malgré l’urgence de lutter contre le réchauffement climatique. Il est évident qu’il en sera de même pour le Québec advenant le développement des énergies fossiles sur son territoire. Selon le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, M. Fatih Birol, le budget de carbone disponible nous permettant d’éviter de dépasser le seuil de réchauffement global de 2 degrés Celsius devrait être atteint en 20171. C’est pourquoi les pays du G7 ont reconnu récemment l’urgence de décarboniser l’économie et visent une réduction jusqu’à 70% des émissions de GES d’ici 20502. Le gouvernement québécois doit lui aussi participer à ce mouvement international de lutte contre les changements climatiques. Sa politique énergétique doit favoriser la mise en Å“uvre d’un plan de sortie des hydrocarbures dans un délai rapide.

Le rapport de 60 universitaires canadiens intitulé Agir sur les changements climatiques3 mentionne que le Canada pourrait être alimenté à 100% d’énergie faible en carbone d’ici 2035. Le Québec peut être exemplaire dans la transition énergétique. En faisant la promotion de projets de développement d’hydrocarbures, le gouvernement québécois actuel nuit à la transition énergétique, banalise la crise environnementale liée aux changements climatiques et fait preuve soit d’une profonde ignorance face à la gravité de la crise climatique, soit d’un sérieux déficit moral.

L’argument voulant que le développement des énergies fossiles crée de la richesse est trompeur. Une étude menée en 2012 par le Centre canadien de politiques alternatives démontre que pour le même montant investi, le nombre d’emplois créés dans les transports en commun, la modernisation des immeubles et les énergies renouvelables est de 3 à 34 fois plus important que dans le secteur des hydrocarbures4.

De plus, les coûts anticipés liés aux problèmes de santé publique, à la dégradation de l’environnement, à la baisse des rendements agricoles et des pêcheries, à la perte des activités récréotouristiques, aux événements climatiques extrêmes dus aux gaz à effet de serre et à la crise climatique qu’ils engendrent dépassent largement les retombées économiques positives de cette industrie. Dans le cas du pétrole d’Anticosti, il est démontré que la rentabilité serait nulle. Le Québec se dirigerait plutôt vers un gouffre financier5.

L’accueil du pétrole et du gaz non conventionnels des États-Unis et de l’Ouest canadien, et le développement des hydrocarbures au Québec, que ce soit à Anticosti, en Gaspésie, dans l’estuaire du Saint-Laurent ou ailleurs sur le territoire va à contresens de l’exigence historique à laquelle nous sommes collectivement confrontés. Il existe un consensus scientifique sur le fait qu’au moins les deux tiers des réserves connues hydrocarbures doivent demeurer dans le sol si nous voulons éviter de perdre complètement le contrôle de la crise climatique. Le gouvernement du Québec est tenu d’agir de façon responsable en tenant compte de ces données de la science pour les orientations de sa politique énergétique. Le Québec doit se tourner vers l’avenir et travailler de façon énergique à réduire sa dépendance aux énergies fossiles au lieu de chercher à en favoriser le développement.

1 Klein, N. (2015). Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique. Paris : Acte Sud, p. 36

2 Alexandre Shields. Le Canada se rallie à la position «ambitieuse» du G7 en faveur du climat. Le Devoir, 9 juin 2015.

3 Catherine Potvin et coll. (2015). Agir sur les changements climatiques. Chaire UNESCO-McGill-Dialogues pour un Canada vert.

4 Klein, op.cit., p. 452.

5 Voir la vidéo de l’ingénieur géologue Marc Durand sur rochemere.blogspot ou https://youtu.be/N3AcxxVAzgY