Montréal

Nouvelles

« Bouki & Malice »

18-05-2015

 « Bouki & Malice »

par Serges Moise

Bouki : Le véritable problème du pays, ce sont nos politiciens. Tous des P-H-D, en effet des « Perroquets-Hâbleurs-Délirants », les uns plus menteurs que les autres. Pendons-les tous!

Malice : Tu dis n’importe quoi, ces messieurs ne disent pas toujours la vérité mais les traiter de menteurs, tu y vas un peu fort! Les prêtres et les pasteurs ne peuvent pas toujours dire la vérité et tu voudrais que les politiciens le fassent. La langue de bois est un art qui requiert des talents particuliers.

Bouki : Heureusement que tu n’as pas mentionné les hougans, parce qu’alors je t’aurais demandé de te rétracter sur le champ. Le vaudou c’est l’anti-mensonge car les lwa sont très sévères. Tu mens et tu meurs!

Malice : Disons que tu connais tes hougans et moi, je connais les miens!

Bouki : Toi, Malice, tu as une façon de dire les choses sans en avoir l’air, je ne suis pas dupe tu sais, et tu n’es pas aussi malin que tu le crois. Tu parles français comme un blanc manant et te prends pour un autre, je te vois venir…

Malice : J’ai fait des études supérieures et je sais que de foi on ne discute pas

Bouki : Entièrement d’accord, on ne discute pas de foie, que ce soit du foie dur ou du foie mou, on en mange mais on n’en discute pas.

Malice : Mon brave ami, tu ne penses qu’à manger et c’est bien dommage, la nourriture de l’esprit, tu n’en fais aucun cas. Tu ne penses qu’à ta panse et tu crois pouvoir comprendre le monde qui nous entoure, tu es un délicat cas.

Bouki : Rends-moi fol ou sage, tourne ta langue soixante dix-sept fois sept fois dans ta bouche si tu le veux, il n’en demeure pas moins vrai qu’avec la panse vide, nourrir l’esprit s’avère une vraie chimère. Tu as l’air moderne et progressiste quand tu parles « d’eûdûkasyon » pour développer le pays mais tu ne te rends pas compte que nos diplômés sont tous en diaspora faute d’emplois. Des huit cents médecins formés par Cuba, six cents d’entre eux ont dû s’expatrier sous des cieux plus cléments parce que les soixante dix pour cent de nos chômeurs ne peuvent pas payer des frais de consultation, ils ne peuvent même pas manger à leur faim.

Malice : Décidément, mon pauvre ami, selon toi, il faudrait peut-être fermer toutes les écoles au pays, belle perspective d’avenir! Comment peut-on faire du développement avec des gens qui ne savent ni lire ni écrire?

Bouki : Si c’est tout ce que tu peux retenir de mes propos, force est de reconnaître que tu n’es pas aussi brillant qu’on le croit. Nos ancêtres n’avaient aucun « plôme » pourtant ils ont réalisé l’indépendance de la première république nègre de la planète, alors que nos « P-H-D » au pouvoir ont eu l’indécence de payer une soi-disant dette de l’indépendance. C’est toi qui m’a appris que science sans conscience n’est que ruine de l’âme.

Malice : Ah! Analphabète pas bête. Je viens de me rappeler que je suis attendu pour un souper arrosé de bon vin, chez des amis huppés, on reprendra cette intéressante conversation à la plus prochaine occasion et je te promets de t’apporter un peu plus de lumière, mon cher ami.

Bouki : D’accord à la prochaine et bon appétit. Je vais faire comme toi et déguster en chantant:

Mon petit clairin est si doux

Il a une âme

Tout le monde en boit

Même les femmes!

Hélas, il s’en va chez des amis très huppés, savourer du jambon et du caviar et réciter « pô pou pô » les livres du blanc, sans tenir compte de notre pauvre réalité et les voilà détenteurs de toutes les lumières. Avec tous ces sociologistes, politologistes, ces zabèlbok, ces toubibs et analystologues en tous genres, tous, plus ou moins bokors, on n’est pas sorti de l’auberge! Nou lan ka! Nou lan katchouboum!