Montréal

Nouvelles

Galilée

16-02-2015

 

Galilée revisité

 

 

 

par Michel Frankland

 

Galilée a perçu un aspect important du réel. Malheureusement pour lui, le «dictionnaire» lui donnait tort. Le dictionnaire ? Parfaitement. Soit la somme des connaissances reconnues assurées. Et ces notions étaient d’autant plus sévèrement contrôlées qu’elles correspondaient à une crainte qu’on avait collectivement colmatée.

 

L’univers que le bon sens nous montrait immense avait, au fil des siècles, frappé l’imagination par des manifestations anxiogènes. Les étoiles filantes, la foudre, les irruptions volcaniques, les aurores boréales… Mais sûrement que ce magma de mystère apportait en même temps la régularité des saisons. Et les journées de 24 heures, le soleil tournant régulièrement autour de la terre. D’ailleurs, Jésus était venu nous sauver et la création était le reflet de la force ordonnée de la Trinité.

 

Et voici qu’un individu niait un des principes de cette structure céleste. Son erreur était multiple. D’abord, il niait l’évidence du mouvement solaire. Plus profondément, ce dangereux scientifique rejetait surement implicitement la sagesse de Dieu. Il chamboulait l’ordre céleste, à la fois comme ensemble cosmique et comme atteinte à la sagesse divine. Ce jeu de mot, chez les contemporains de Galilée, n’en était pas vraiment eux. Dieu manifestait son ordre infiniment sage en gérant pour ses enfants terrestres les orbes des cieux. Bref, Galilée agissait à bien des niveaux comme un homme à abattre.

 

Il en va de même de toute civilisation. Elle inscrit dans son «dictionnaire» ses conclusions scientifiques, mais également ses refoulements, ses peurs viscérales qu’elle a dûment définies clairement. Et si vous vous insurgez contre ces phobies, on vous poursuit en cour.

 

Une des appréhensions enracinées au cœur de la Cité moderne porte sur l’égalité humaine. LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ. Les deux concepts entourant l’égalité souffrent d’une commune faiblesse humaine reconnue. Vous n’avez pas été fraternels ni Complètement libres ? On vous comprend et on accepte l’imperfection humaine. MAIS NE TOUCHEZ PAS À L’ÉGALITÉ ! Les individus n’ont pas tous les mêmes talents, mais ils peuvent par l’effort et une meilleure éducation… Bref, les tenants de la priorité de l’inné sur l’acquis méprisent au fond leurs semblables. On en dégage un portrait-robot. Ce sont des snobs intelligents, sans compassion. Ils exercent une vue fataliste sur la croissance humaine. Ils ont une pierre à la place du cœur…

 

Ils n’ont pas compris comment l’histoire a marqué des peuples d’avantages différents. Et un système pédagogique mieux conçu, des soins médicaux plus appropriés feront d’eux, d’ici quelques années, des gens aussi compétents que les meilleurs…

 

Le problème de ce dictionnaire, celui qui a décidé que l’acquis primait fondamentalement sur l’innée, se fonde sur conviction qui n’est pas scientifiquement prouvée. Il y a au moins autant de scientifiques qui croient plutôt à la primauté de l’inné sur l’acquis.

 

Faut-il donc inscrire dans le dictionnaire de la modernité la primauté de l’inné sur l’acquis ? Postuler que les individus et les groupes humains ne sont pas égaux et possèdent, au départ, des caractéristiques déterminées et déterminantes ? Non, puisque cette théorie reconnue comme axiome constituerait le même type d’erreur que l’inverse. Encore ici, l’angoisse humaine, en mal de sécurité, se fixerait à tort sur une autre incertitude. Puisque rien n’est prouvé ni sur l’acquis ni sur l’inné.

 

Le sens de cet article, vous le comprenez j’espère, met en lumière la complexité du réel. La liberté, la vraie, reconnait cet embarras et chemine sereinement dans les voies tortueuses de la vie.

Je termine avec le chapitre 10 de la Métamorphose de Kafka. Il montre le mystère de la vie et la longue patience que requiert la liberté.

Mon grand-père avait coutume de dire : «La vie est étonnamment brève. Dans mon souvenir, elle se ramasse aujourd’hui sur elle-même si serrée que je comprends à peine qu’un jeune homme puisse se décider à partir à cheval pour le plus proche village sans craindre que, tout accident écarté, une existence ordinaire et se déroulant sans heurts ne suffise pas, même pour cette promenade.

 

Mo