Montréal

Nouvelles

LA BARBARIE – UN REGARD SUR NOTRE TEMPS

04-12-2014

LA BARBARIE – UN REGARD SUR NOTRE TEMPS

 par Michel Frankland

Chaque époque s’est imaginée être une période capitale de l’histoire. Il faudrait donc relativiser les crises aussi bien que les découvertes bienfaisantes d’une période historique particulière.

 

C’est là mal poser le problème. Chaque étape du périple de l’humanité s’avère fondamental. Toute conjoncture historique met aux prises des forces antagonistes d’une telle puissance qu’elle dépasse les perceptions d’un trop grand nombre d’entre nous. Aucune période de l’histoire n’est mineure. Chacune est, justement, «historique».

Les puissances qui s’affrontent, pour certains, représentent le combat entre l’obscurantisme et la raison. C’est l’interprétation du siècle des Lumières. L’éducation généralisée, incluant des cours sur la morale naturelle, triomphera des instincts barbares qui ont ravagé nos villes et nos villages.

 

Mais pour le chrétien que je suis, la perspective est plus profonde. Les solutions humaines, aussi nécessaires soient-elles, ne répondent pas au niveau où se situent l’enjeu véritable. Mais oui, l’éducation, les mesures sociales, la médecine pour tous, et les principes démocratiques de gestion collective ! Voilà un premier étage indispensable dans la construction de la cité humaine.

 

Pourtant, Dostoïevski nous avertit : «Si Dieu est mort, tout est permis.» L’intuition de ce génie de la littérature russe révèle l’essentiel. La pratique de la vie collective nous répète inlassablement les exactions multiples de l’humanité qui croit ne trouver qu’en elle-même la solution à ses problèmes. La raison de ces échecs inéluctables tient à la nature transcendante de la morale. Si nous sommes l’aboutissement ultime de la notion de bien, nous la ravalerons forcément au niveau de nos seuls intérêts.

 

Il faut entretenir des illusions tenaces pour ignorer les échecs incontournables de la solution sans Dieu. L’être humain laissé à lui-même, certes, dégage une authentique bonté. Mais aussi l’instinct de domination. Celui-ci, les pages historiques en sont pleines, mène aux guerres, aux spoliations de toute sorte, aux diverses formes de totalitarisme politique que les journaux nous montrent périodiquement. Et même, à la pratique de l’esclavage.

 

L’esclavage ? Vous vous rebiffez. «Il n’y a que quelques petits coins de la planète où cela sévit encore, mais quand même !» Je vous rappelle les enquêtes de l’ONU sur le sujet. Ses statistiques de 2013 constatent que notre fière humanité compte 29,800,000 esclaves. Le nombre d’esclaves dans le monde équivaut à environ 75 % de la population canadienne. Esclaves de naissance (pratique sanctionnée dans les faits par certains pays), enfants vendus par leurs parents, esclaves sexuelles – et cela, dans des pays industriels, et donc «civilisés»…Je n’insiste pas sur les enfants soldats, et la pratique pédophile du mariage forcé de filles de neuf ans. Ces nombreuses formes d’esclavage, affirme l’ONU, existent sur tous les continents. «S’ils rejettent Dieu, disait le curé d’Ars, bientôt ils adoreront des bêtes.»

Voilà pourquoi la morale provoque des remous chez plusieurs. J’ai entendu un commentateur décrier sa présence à une messe de minuit : «Le curé nous a parlé de morale !» Et il vilipende sur les ondes une telle attitude «rétrograde». De même, cette commentatrice qui vitupérait contre cette décadence qu’est la morale.

 

Il me semble trop facile de préciser qu’ils confondent peut-être morale et moralisme, cette dernière notion se rapportant à un code qu’on vient superposer artificiellement sur la mouvance de la vie. Car c’est la notion même d’obligation extérieure à eux-mêmes qu’ils rejettent. Passe encore l’obéissance à des lois civiles. Ils les comprennent comme un code collectif de bonne entente. Il faut baliser les agressions, trop naturelles justement. Mais la morale, la Vraie morale, jamais de la vie !

 

Nous approfondirons la notion de morale dans la deuxième partie. Non ! Pas question de concoctions soporifiques sur un sujet abstrait. J’entends situer cette notion de fond dans le contexte de la barbarie quotidienne.