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Le pouvoir de dire NON

01-08-2014

                                                                                 Le pouvoir de dire non

               Par Louise Morand


La Terre arrive au bout de ses réserves de pétrole et de gaz conventionnels. Et c’est tant mieux car l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et dans l’océan ne peut se poursuivre ainsi. Au-delà d’un certain seuil, les conditions propices à la vie sur terre peuvent être irréversiblement compromises et les signes de ce bouleversement du cycle du carbone sont évidents aujourd’hui : disparition sans précédent d’espèces, acidification des océans et réchauffement planétaire. Les coûts anticipés des inondations, tempêtes, sécheresses, dues au seul relargage du méthane arctique (causé par ce réchauffement), sont évalués à plus de 60 000 milliards pour les 20 prochaines années1. Pourtant, comme un mauvais amant qui préfère assassiner sa belle plutôt que de subir l’abandon, l’industrie pétrolière et gazière s’enfonce jusqu’aux confins des pôles et des océans, détruit les forêts, les sources d’eau potable et les terres agricoles pour exploiter la moindre parcelle de gaz et de pétrole encore disponible dans le sous-sol.

Des discours de justification accompagnent cet accaparement. Ils varient selon les circonstances : autonomie énergétique, créations d’emploi, caractère national des ressources, croissance de l’économie, financement de la transition vers les énergies renouvelables. À l’ombre des discours, il y a les faits : l’extraction du pétrole des sables bitumineux émet 3 à 4 fois plus de GES que celle du pétrole conventionnel et le Canada est décrié internationalement à cause de sa responsabilité historique dans le dérèglement du climat, un des plus élevés par habitant, et son déni des droits des autochtones2.

La fracturation des roches contenant gaz et pétrole est autant, sinon plus dommageable pour le climat que l’extraction du charbon et elle affecte la santé humaine et animale en empoisonnant irrémédiablement les sources d’eau, l’air et les sols3. L’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, aux États-Unis comme ailleurs, n’a pas favorisé la transition vers les énergies vertes ni diminué la dépendance envers les énergies fossiles4, bien au contraire.

Après la France, la Bulgarie, le Vermont, la Californie et l’état de New York, l’Allemagne vient de décider d’interdire l’exploitation du gaz de schiste par la fracturation5. Cette décision marque la victoire des citoyens et de certaines industries qui ont milité contre cette industrie invasive. Une autre victoire, celle de la petite municipalité de Zurawlow en Pologne, est exemplaire. Des citoyens se sont réunis pour bloquer l’entrée du terrain où les employés de la puissante compagnie Chevron devaient fracturer un puits de pétrole. Après 400 jours d’occupation, la compagnie a finalement décidé de quitter les lieux6. Voilà concrètement un début de transition énergétique. Elle passe inévitablement par une décroissance du secteur des hydrocarbures. Nos gouvernements vont à cet égard à l’inverse du bon sens.

Cet exemple européen nous montre que la population du Québec peut encore refuser d’immoler son fleuve, ses milieux de vie, sa santé et l’avenir de ses familles sur l’autel du marché. S’il existe encore des historiens au siècle prochain, dans les congrès auxquels ils se rendront en trains électriques et en avions solaires, ils et elles raconteront sûrement comment les populations de l’est de l’Amérique du nord auront fait un premier pas décisif vers la transition énergétique en exerçant leur pouvoir de dire non à la fracturation hydraulique et au pétrole sale des sables bitumineux.

Comité Vigilance hydrocarbures de l’Assomption
17 juillet 2014