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L’élection déshabillée

23-04-2014

L’élection déshabillée

        Par Michel Frankland               

On a écrit abondamment sur l’élection provinciale du 7 avril. Évidemment, je n’ai pas tout lu. Pourtant, il m’apparaît  que des aspects essentiels  n’ont pas vraiment été suffisamment fouillés. J’ai donc opté pour laisser tomber la poussière. On peut maintenant identifier plus objectivement des éléments importants passés sous le radar des commentaires ; à tout le moins, le focus sur certains sujets m’est apparu mal ciblé. Reprenons donc, et dépouillons la dame électorale de ces faux artifices.

 

D’abord, considérons le poids des deux chefs. Les Américains ont trouvé une façon originale de définir une des qualités présidentielles : c’est quelqu’un qui est capable de conduire un tracteur. On pige l’idée. La chefferie connote la force, la solidité. Un réflexe du temps des cavernes ? Je vais en choquer peut-être quelques-uns. Oui, un réflexe primitif. Je soumets sereinement au lecteur mon accord avec la réflexion de Louis-Ferdinand Céline : « «Le peuple, il n’a pas d’idéal, il n’a que des besoins.»Le peuple sera toujours primitif. Un défaut ? Une honte ? Du tout. Une protection viscérale contre  certaines élucubrations intellos qui s’arriment affreusement avec le bon sens. On a protesté dignement contre certaines allégations liant Jean Chrétien à des tractations louches. Le peuple n’en a cure. Il veut un protecteur. Chrétien, une force de la nature. Un batailleur sans merci, confiant tout azimut. Il s’est servi un peu ici et là en marge de la loi ? C’est la prérogative d’un «cheuf.». Point.

Pauline Marois a été encensée par Lysiane Gagnon et quelques autres. Mais elle ne peut «conduire un tracteur». La dame, devant l’attaque coup-de-poing de Couillard sur l’indépendance, n’écoute pas des députés péquistes qui clament l’évidence du piège. Elle fonce tête baissée dedans. Elle a ourdi tous les détails. Mais elle ne comprend pas l’essentiel. Élue depuis des lunes en politique, elle se classe pourtant en dernière position, dernière les trois autres chefs de parti, sur le test objectif qu’on leur a fait subir au sujet de leur connaissance du Québec. Bref, on a insisté sur la surdouance  de Couillard. Sûrement un atout. Mais Monsieur et Madame Bleau ont d’abord voté d’instinct, côté tracteur.

Un autre aspect, mal lu celui-là, parce que noyé dans d’autres considérations. Il s’agit de LA charte, mais sous un point de vue qui s’est perdu dans la déflagration politique de l’avalanche libérale. On  a remarqué que la charte, bien que favorisée par une majorité de Québécois de souche, l’était mollement, comme une priorité plutôt éloignée. On a signalé également le manque d’analyse de ce projet coup-de-poing. Sur quelle analyse…  ? Motus et bouche cousue. Drainville amorce sa présentation par une position absolue, insistant sur le caractère définitif des éléments du projet. Les musulmans se donnent le mot et votent en bloc, privant la victoire du PQ dans un certain nombre de comtés. Plus grave encore, nous venons de perdre pour au moins une génération un vote religieux qui, pour une part, souriait à l’indépendance.

Mais l’erreur, la pire et de loin, que je n’ai entendu personne évoquer, se situe dans le plan secret de Drainville Il admet, après la défaite, que son objectif réel consistait à négocier la charte avec la CAQ. Cette dynamique est exactement le contraire de l’entreprise politique. La conséquence, on aurait dû s’y attendre, s’avère proprement catastrophique Surtout, elle démontre une lacune abyssale de sens politique chez le propagandiste de la charte.  Une comparaison : j’annonce que je vais déporter votre groupe. Vous vous liguez contre cet ennemi halluciné. Vous opérez dans son camp un dommage sérieux. Puis, vous l’entendez concéder, après la bataille, qu’il ne songeait au fond qu’à exiler une couple de criminels. La voie politique naturelle consistait à annoncer un projet sur la laïcité sous forme de recherche en commun avec les autres partis et l’ensemble des médias. Cela aurait récolté un accueil tout à fait favorable. Finalement, on aurait accepté  une ligne directrice dans l’action, celui de Madame Houda-Pépin. Ce qui aurait constitué une fort belle jambette à Couillard, celui qui avait chassé celle dernière qui une majorité de Québécois d’alignaient. Quel beau coup raté !

D’autres aspects, plus profonds, de la Dame électorale seront abordés dans le prochain article sur le sujet. Nous continuerons l’effeuillage…