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TENIR PAROLE OU ÊTRE SANS PAROLE ?

15-03-2014

TENIR PAROLE OU ÊTRE SANS PAROLE ?

Par Henri-Paul Labonté                

 

 

Je viens de relire le document du Collectif pour un Québec sans pauvreté «Tenir parole» publié en 2008. «Ce livre» de 288 pages renferme tout le processus qui a conduit à une loi sur la pauvreté adoptée à l’unanimité par l’assemblée nationale en décembre 2002. Surtout il contient les témoignages de 155 personnes qui ont participé à cette démarche, à partir de 1995 jusqu’à l’adoption de la loi. J’étais là avec beaucoup de personnes agissant sur la pauvreté. «Je me souviens» et je suis de ceux qui tiennent parole.

 

Mais les politiciens, eux et elles qui commencent une campagne électorale, dont certains auront à former le prochain gouvernement et d’autres qui verront à ce que celui-ci adoptent des politiques et plans d’actions qui feront avancer la lutte à la pauvreté, se souviennent-ils, tiennent-ils paroles ou sont-ils sans paroles?

 

«Je me souviens» et le document  «Tenir parole» est là pour me le rappeler, du début du projet de loi développé par le Collectif et dont le projet du gouvernement Péquiste de 2002 a retenu une bonne partie. L’idée a commencé à germer en 1995 avec la marche des femmes «Du pain et des roses» et s’est développée en 1996, lors de l’année internationale pour l’élimination de la pauvreté. La première proposition pour une loi sur l’élimination de la pauvreté datant de 1997, a été pensée sous forme de loi cadre, qui obligeraient les autres lois à se conformer à celle-ci.

 

Je me souviens, entre 1998 à 2000, comme coordonnateur d’un groupe d’entraide en santé mentale avoir fait signer de nombreuses pétitions dans mon groupe, appuyant la proposition, par des personnes enthousiasmées par l’idée. Durant ces années, Le travail sérieux de centaines de militants et militantes à-travers le Québec, a réellement porté fruit. Plus de 215 307 personnes ont  apposées leur nom au bas de la proposition.

 

De cette étape, J’ai gardé en mémoire et elle est mise en évidence dans «Tenir Parole», de cette phrase d’une personne en situation de pauvreté de Drummondville, décédée depuis : « Je suis une feuille à côté de l’arbre. Après la loi, je serai dans l’arbre».

 

Les représentants de ce qu’on appelait, à ce moment-là, tout simplement, LE COLLECTIF formé autant de gens en situation de pauvreté que d’organismes, se souviennent du dépôt de la pétition à l’Assemblée nationale en 2000. Un représentant de chaque parti s’était chargé de présenter les boites contenant pour chacun, le tiers des pétitions. Certains députés ont été plus enthousiastes que d’autres à l’idée. On a sans doute été étonné de l’ampleur prise par cette action. Peut-être certains ont-ils été électoralistes. Je ne sais pas. Mais l’ampleur populaire faisait bouger les politiciens.

 

Les gens du Collectif se souviennent de la suite. Le gouvernement Péquiste a travaillé à son propre projet de loi. Moi, en 2002, au nom des organismes de lutte à la pauvreté de la région des Bois-Francs, j’ai déposé un mémoire à la commission parlementaire chargée d’étudier le projet de loi 112 et avec une autre personne, je me suis présenté aux audiences. Dans mon mémoire, il y avait quelques statistiques, mais il y avait aussi des faits recueillis autour de moi. Pour moi la pauvreté, c’était souvent une mauvaise aventure humaine dans laquelle des gens avaient faim de bons aliments, s’endettaient trop souvent, avaient des problèmes de logement, craignaient la maladie et avant tout, n’avaient plus comme rêves que de gagner à la loto, ce qui ne venait jamais.

 

Les membres du Collectif, présents à l’Assemblée nationale, se souviennent avoir touché du bois, lors de son adoption en décembre 2002. Le projet du gouvernement ne répondait pas entièrement à nos attentes. Mais nous avons vu là une poignée pour faire avancer les choses. Le projet de loi 112 fut adopté à l’unanimité par les députés Péquistes, Libéraux et Adéquistes.  Une participante de Québec a alors résumé ce que bien des personnes autour du Collectif  pensaient: « Il faut rêver logique, a-t-elle dit. Le Rêve logique, pour un Québec sans pauvreté qui est en train de prendre forme,  est aussi un rêve pour un monde riche de tout son monde et de toute son humanité»

 

Moi je me souviens bien de la suite, soit l’élection d’un gouvernement Libéral au printemps 2003. Puis les plans d’action pour donner des dents à la loi, se sont faits attendre. On a eu ensuite des miettes, si on peut dire tombées de la table des riches comme l’augmentation du salaire minimum, mais rien qui aurait permis une véritable justice sociale et presque rien en relation avec la loi pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Rien en liens avec le chapitre 2, article 4 de la loi qui dit ceci: La stratégie nationale vise à amener progressivement le Québec d’ici 2013, au nombre des nations industrialisées comptant le moins de pauvres, selon des méthodes reconnues pour faire des comparaisons internationales.

 

Par contre  le Collectif, patient, a poursuivi son action de visibilité et de chercher à faire avancer les choses. De ces actions il y eut le forum citoyen de 2003, qui a donné naissance à la bannière inspirante, tenue par près de 200 personnes dans les rues de Québec, dont 155 ont témoignées dans «Tenir parole». Moi qui suis retraité depuis, ai gardé celle-ci, laminée sur une plaque de bois, dans mon bureau. Elle est actuellement devant moi et je me vois fièrement au-dessus de «Québec». L’affiche au complet se lit comme ceci: « Jeter les bases d’un Québec sans pauvreté, plus solidaire, plus égalitaire! Le faire avec les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion. Donc se gouverner et se développer autrement!»

 

Je suis présentement à la retraite, mais lors de l’élection de 2012, je me suis souvenu de tout ça et je n’ai pas voté pour le parti politique ayant été au pouvoir de 2003 à 2012. j’ai bonne mémoire, car je m’en souviens encore en 2014, comme bien des acteurs et des actrices de la lutte ayant conduit à la loi visant à  lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

 

Peu de choses ont changées depuis 2003. Je vois encore des gens de Victoriaville attendre avec appréhension leur fin de mois et quémander de la nourriture à la Sécurité alimentaire. Je vois des gens atteints dans leur dignité de personne humaine et j’ai un peu honte de nos politiciens et politiciennes.

 

Aux politiciens et politiciennes de tous les partis, je ne demande qu’une chose : Se souvenir de cette belle loi adoptée en 2002 et prendre position sur des choses concrètes en campagne électorale. Je sais que l’échéance n’est plus 2013 pour faire du Québec, un pays ayant le moins de pauvreté. Je sais aussi qu’il ne suffit pas d’un simple geste. Mais, encore, faut-il atteler le team de chevaux ou le tracteur, en avant de la charrue pour commencer à avancer.

 

Moi j’avais promis au politiciens de me souvenir et de tenir parole en 2002. C’est à eux et elles de tenir parole maintenant, sinon ils seront des sans parole.

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