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Le juge Jean-Serge Joseph: une référence patriotique et antidictatoriale

06-08-2013

Le juge Jean-Serge Joseph: une référence patriotique et antidictatoriale

  Par Éternel Victor

 

Jean Serge Joseph est rentré au Canada en 1972, à l’âge de 15 ans. Ce rappel me donne l’occasion d’applaudir sa famille, particulièrement Fritz Joseph qui a fait d’énormes sacrifices pour son petit frère, en l’aidant à faire des études fort remarquées. Jean Serge Joseph a terminé ses études secondaires au Canada et a poursuivi une brillante trajectoire étudiante au CEGEP et dans des grandes universités du Québec: l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Montréal. Il a cumulé des diplômes dans différentes disciplines suivantes: diplôme d’études collégiales en Sciences humaines, diplôme en Sociologie, diplôme en Sciences politiques, diplôme en Sciences juridiques. Après ses études en droit, il a manifesté le désir de s’installer définitivement en Haïti, en vue d’apporter sa contribution à la mise en place des institutions démocratiques. Ainsi, il a quitté la belle province de Québec et décide de faire les stages relatifs à son admission au barreau de son pays natal. «De l’avis de tous et des juristes en particulier, Me Jean Serge Joseph s’est toujours révélé un modèle…, écrit Me Serge Moïse, le 16 juillet 2013». Après tous ces hommages, que reste-t-il à dire de Jean Serge Joseph?

 

De cette interrogation, je me permets opportunément de me référer à ma connaissance de l’homme et de faire mon devoir de partager avec vous quelques marques et expériences connues en son honneur. D’entrée de jeu, je vous dirais que je ne prétends en aucune façon connaitre tous les aspects de sa vie: Je sais comme vous que Me Jean Serge Joseph n’a pas besoin de présentation dans la belle ville de Montréal. Il a connu une trajectoire qui l’a placé sur le chemin de nombreuses personnes. Certes, au cours des années vécues à Montréal, il s’est consacré avec compétence et dévouement à exercer plusieurs professions: journaliste, professeur, organisateur communautaire, conseiller juridique, etc., des professions qui ont placé les gens intéressés dans l’orbite d’attraction de son univers. Et rares sont les personnes qui ne lui ont jamais donné une accolade, un accueil chaleureux ou à qui il n’a pas offert un sourire ou une collaboration.

En 1986, à la chute de Duvalier, il estimait l’occasion propice pour retourner en Haïti et pouvoir mettre sa contribution au développement du pays et à l’instauration de la démocratie. Convaincu de son intention, il regagnait sa terre natale. Il s’est joint à Samuel Milord (devenu député de Desdunes et Grande Saline de 1990 à 1994), Mécène Richemond, Éternel Victor, Gilles Étienne Odigé et d’autres militants, pour fonder le Comité de la Défense des Droits des Paysans (CDDP). Au cours de la même période, il conçut une émission qu’il anima, au nom de cette organisation, dans la Voix Trans-Artibonite, dont l’objectif était de libérer les expressions des paysans contre la violence, la corruption et le macoutisme. Jean-Serge Joseph a su comment soulever la passion de ses collègues et des nombreux secteurs de la société pour les causes justes des paysans de la Vallée de l’Artibonite. Il était, de ce fait, difficile d’ignorer la présence de ce jeune cadre distingué dans la lutte contre l’invasion du riz américain en Haïti, après la chute de Duvalier?

 

Après une dure lutte qui l’a persuadé que le macoutisme était un système corsé, il publia Haïti en péril, en 1988, avec Éternel Victor, un ouvrage de réflexion et de témoignages qui a marqué sa passion pour la Vallée de l’Artibonite et son ardeur pour les luttes démocratiques. Et à ce sujet, Haïti Observateur a écrit ceci : «Deux points forts dans cet ouvrage écrit par deux jeunes écrivains: la problématique de la démocratisation en Haïti et la crise artibonitienne. Le premier (Jean-Serge Joseph) fait une autopsie de la période post-duvaliérienne, le second «Éternel Victor» fait le procès de la crise qui a effondré la Vallée de l’Artibonite. Car, opine Jean Serge Joseph, Haïti est une périphérie de la périphérie. En d’autres mots, Haïti est un pays où la dictature est basée sur l’exclusion systématique des masses populaires», Haïti-Observateur 26 février- 4 mars 1988. Les écrits de Jean Serge Joseph constituent toujours une leçon de pédagogie militante qui demeure une référence patriotique et antidictatoriale.

 

Comme pour poursuivre sa lutte visant la défense des droits des paysans de la Vallée de l’Artibonite, rendue difficile par la brutalité politique des régimes successifs après Duvalier, Jean Serge Joseph retourna à l’université et fit ses études en Droit. Se sentant maintenant armé pour accomplir ses travaux, il revient sur le chantier qu’il avait abandonné pendant ses dernières années d’études, où il choisit aussi d’exercer le droit. En 1996, il obtient la reconnaissance de l’ordre des avocats en Haïti. Ayant à l’esprit ‘’ Mission accomplie’’, Me Jean Serge Joseph, comme dans une course olympique, amorce sa détermination de gagner cette fois-ci sa partie et d’aider Haïti à se reconstruire sur des institutions solides et démocratiques. Homme méthodique et dialectique, il s’est fait remarquer par sa rigueur et ses habilités intellectuelles qui n’ont que de lointains rapports avec les anciens moules utilisés par les vieux coureurs du terrain.

 

À l’image de Prométhée, le feu en main, il ne peut pas passer inaperçu. Alors, il est sollicité par le gouvernement Préval (deuxième version) qui lui offre le poste de premier commissaire à Croix-des-bouquets. Ses travaux sans failles et sans détours, qui font sa réputation et qui étonnent plus d’un, notamment pour sa nouvelle vision de la justice, lui valent d’être juge d’instruction en mars 2011. À ce compte, écritMe Serge Moïse qui l’attendait dans son cabinet: «Il (Me Jean Serge Joseph) accepta l’offre et depuis s’est consacré avec compétence et intégrité à ses fonctions de magistrat debout et par la suite, magistrat de siège jusqu’à cette date fatidique».

Peut-on douter de l’effet bénéfique du travail qu’il a accompli en Haïti? Ce travail qui est couronné d’hommages tant qu’à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, peut-il se perdre dans la brume? Non! Mais, devant vous, j’ai le privilège de dire que la course qu’il a entreprise n’est pas terminée; elle demeure encore active. En convoquant des personnalités politiques du gouvernement en place impliquées dans une affaire présumée de corruption à l’occasion de la séance du 2 juillet 2013 au palais de justice, il fait preuve de courage et de loyauté. Et j’aimerais clore en applaudissant cet exemple historique que le juge Jean Serge nous a laissé en héritage, lequel devrait servir de guide au système judiciaire, à la classe politique et à tout le peuple pour une Haïti juste et démocratique. Sa Mission étant accomplie, il appartient à chacun de nous et aux générations futures de prendre le relais et, donc, de poursuivre la course jusqu’à la victoire finale.