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Sur un air de printemps

18-03-2010

Sur un air de printemps

Par Catherine Kozminski

Même si le printemps ne doit annoncer sa présence officielle que le 21 mars prochain, depuis quelques jours, tout laisse croire qu’il a devancé sa venue. La fonte de la neige, le soleil étincelant, presque aveuglant, le mercure qui grimpe … C’est alors qu’un air qui me rappelle mon enfance, particulièrement le samedi matin, chez mes parents, quand mon père nous faisait écouter à tue tête des airs qui emplissaient sa propre jeunesse, refait surface. En fait, depuis quelques jours, j’entonne le même refrain. Je ne cesse de chanter que « le temps est bon, le ciel est bleu, nous n’avons rien à faire, rien que d’être heureux … ». Au début, cet air se faisait plutôt discret, puis il s’est mis à envahir ma tête. Je me voyais comme dans une comédie musicale où les acteurs chantent dans les rues, courent main dans la main, cueillent des fleurs et se roulent dans l’herbe, bref, ont plutôt l’air d’exaltés que d’êtres heureux, simplement. Cette pensée m’a bien fait rire et m’a calmée un peu dans mes élans de bonheur. Le problème, c’est que cet air continuait d’emplir chaque seconde de ma journée et a su piquer ma curiosité au sujet de son origine. Grâce à un simple « clic » sur mon clavier d’ordinateur, je me suis dirigée vers le site de « youtube » où j’ai simplement écrit « Le temps est bon ». Surprise ! Je suis tombée sur une chanteuse que je ne connaissais pas : Isabelle Pierre. Intriguée, j’ai appuyé sur l’onglet me menant instantanément à cet air du printemps prématuré. Incroyable ! C’était bien cet air que je recherchais, écrit par Stéphane Venne.

Ainsi, je poursuis mes recherches et apprends en lisant un article biographique trouvé par l’intermédiaire de « Google » qu’Isabelle Pierre est une chanteuse québécoise née en 1944 qui a connu un certain succès dans les 60-70 au Québec. Bon, je n’étais même pas née, car j’allais voir le jour en 1978. Cela me rassure quant à mon inculture à ce sujet. L’air qui me rend si gaie est, ô surprise, le thème principal du film Les Mâles du réalisateur Gilles Carle, décédé récemment des suites d’une longue maladie, le Parkinson. Puis, je m’attarde plus longuement sur les paroles de « ma » chanson pour comprendre en réalité que la phrase que je ne cesse de chanter et rechanter met en scène l’époque hippie où tout était permis, même d’avoir deux amants à la fois, comme dans l’extrait de ce fameux film que je suis allée visionner sur le site http://filmsquebec.over-blog.com/article-27111060.html .  Sorti en 1971 dans les salles françaises, Les Mâles ont attiré pas moins de 300 000 spectateurs, en plus d’avoir été présenté à Cannes précédemment. C’est un film que je ne manquerai certainement pas de voir sous peu, histoire de mieux comprendre cette époque révolue. Maintenant, notre société met constamment l’accent sur tous les dangers qui mettent en péril notre fragile bonheur : le SIDA, l’alcool, la cigarette, les gras trans, le soleil, la pollution, le réchauffement de la planète, …

Je comprends ce qui fait que nous n’osons surtout plus parler de cette époque du « peace and love » au risque de faire sursauter toute personne prête à réagir au moindre comportement opposé à l’ordre établi. Notre identité de Québécois semble s’être étiolée dans les coulisses du bon vieux cinéma québécois d’il y a quarante ans, à l’époque où on avait peur de rien. Peut-être était-ce réellement inconscient, mais les gens ont su goûter à cet air de printemps qui me rend maintenant nostalgique d’une époque que je ne connaîtrai jamais. En attendant, je suis assise devant mon écran à regarder le ciel bleu au-dehors et à entonner encore cet air qui fait appel à tous mes sens et c’est ainsi que je vous dis que « le temps est bon, le ciel est bleu (…) Nous n’avons rien à faire, rien que d’être heureux ». Vous avez raison, j’ai omis la phrase où l’on parle des deux amis qui sont aussi les amoureux d’une seule jeune fille. Malheur ! Que voulez-vous, je ne veux pas me faire accuser d’encourager la polygamie ! Avec les accommodements raisonnables qui courent, mieux vaut être prudente ! C’est ça MA génération.