Montréal

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Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine

11-03-2010

VERS UNE NOUVELLE CULTURE DE LA MOBILITÉ URBAINE

par Florence Junca Adenot PHD

Directrice du Forum URBA 2015

 

C’est en ces termes que la Commission européenne  adoptait en septembre 2007 son livre vert sur les transports urbains. En 2006, le Gouvernement du Québec vote la loi cadre sur le développement durable et l’Union des municipalités du Québec, en 2008, sa politique de la mobilité durable. Le concept de mobilité urbaine durable émerge depuis quelques années. La multiplication et la diversification des déplacements des personnes et des biens, les problèmes croissants de pollution atmosphérique et de santé, les coûts économiques et sociaux de la congestion routière, la raréfaction des ressources pétrolières, les changements démographiques, la recherche d’une meilleure qualité de vie, conduisent à remettre en question la planification des transports ainsi que les façons de concevoir le développement urbain des 30 dernières années.

 

Le concept de mobilité urbaine durable

 

Ce concept permet de passer de la dimension technique du transport et de la fluidité à tout prix à des choix de mobilité et de modes de transport qui incorporent des critères d’efficacité économique, de qualité de vie urbaine et de préservation de l’environnement. L’accessibilité urbaine et la mobilité durable pour tous deviennent deux exigences fortes. On parle alors de satisfaire, à un coût raisonnable, les besoins d’accessibilité des personnes aux emplois, services, éducation et loisirs, de façon sécuritaire, respectant l’équité, la santé et l’environnement. Les choix des modes de transport doivent contribuer au dynamisme économique, tout en minimisant les émissions polluantes, en consommant le moins possible de ressources non renouvelables et d’espace, et en recyclant ses composants. À ces éléments de définition prônée par l’Union Internationale des transports publics s’ajoute la nécessaire remise en question de l’organisation et de la localisation des activités des villes pour qu’elles génèrent moins de déplacements et qu’elles modifient leurs infrastructures routières pour faciliter les moyens de mobilité durable.

 

Passer de l’usage de l’auto en solo au cocktail des transports collectifs et actifs

 

Réconcilier la liberté et la flexibilité offertes par la voiture et les principes de mobilité urbaine durable passe par un changement de culture autant des usagers, des transporteurs, des entreprises que des décideurs politiques. Multiplier et prioriser les services de transport par bus, trains, métros, tramways, favoriser la multimodalité et l’intermodalité entre les modes et les services, les autos dans les stationnements incitatifs, les voies réservées, faciliter l’usage du vélo et de la marche contribuent à diminuer les déplacements motorisés responsables de 40% des GES et de la majorité des accidents. L’espace routier libéré aide ceux qui ne peuvent faire autrement et limite les pertes en heures travaillées qui atteignent 1MM$ annuellement à Montréal. Une offre de transport, meilleure qualitativement et quantitativement, plus souple, et intégrée, mieux adaptée à certains espaces urbains moins denses passe par une approche imaginative, moins segmentée entre les organismes de transport.

 

Utiliser l’auto autrement

 

L’auto fait partie intégrante de la chaîne de transport et est prisée comme meilleur moyen de transport par 70% des citoyens urbains des pays industrialisés. Là encore utiliser l’auto autrement appelle un changement culturel. Le co voiturage, organisé depuis les entreprises via les programmes employeurs peut efficacement accroître l’occupation des véhicules qui transportent 1.2 personnes en heures de pointe, et diminuer d’autant ceux en circulation, tout en générant des économies de stationnement. L’usage des flottes d’auto partage fourni par des organismes comme Communauto permet de concilier flexibilité et usage des transports collectifs. Les taxis offrent un transport individuel qui optimise l’usage de la voiture. Ces choix requièrent des politiques cohérentes à tous les niveaux. Par exemple, ne pas accroître l’emprise d’une route pour favoriser la fluidité mais plutôt la réduire pour insérer voies réservées aux transports collectifs; ou encore encourager les entreprises, qui offrent 56% de leurs places de stationnement gratuitement à leurs employés à Montréal, à les rendre payantes et à défrayer, en proportion, une partie des frais de transports collectifs de leurs employés.

Parler de mobilité urbaine durable, c’est aussi parler de véhicules moins polluants, utilisant moins de ressources non renouvelables, plus petits en ville. À quand l’électrification des trains de banlieue, l’usage de bus et véhicules électriques ou bi modes dans les parcs d’entreprises ou des organismes publics, à titre exemplaire? À quand des aides pour stimuler la production et l’achat de véhicules peu polluants et moins gourmands? Le Québec est un bassin naturel pour développer ces entreprises.

 

Concevoir la ville autrement

 

La réflexion sur les déplacements prend en compte la complexité des pratiques de la mobilité en ville, modelées sur les modes de vie. La logique binaire des déplacements domicile travail fait place à des déplacements pour de multiples motifs, tout au long de la journée. Cette évolution vécue par toutes les métropoles met en évidence les effets pervers de 30 ans d’aménagement urbain, distribuant et séparant les fonctions urbaines sur un territoire de plus en plus vaste sans se soucier de planifier les transport autrement qu’en auto. Car la mobilité urbaine durable fait appel à un autre concept qui est celui de limiter la longueur des déplacements auto et de les éliminer si possible. Une façon efficace consiste à intégrer les choix d’aménagement, de transports et l’environnement en localisant les activités résidentielles plus denses, les commerces, bureaux, services, parcs autour des pôles de transports collectifs selon les principes du TOD ou du nouvel urbanisme. Cette approche conduit à repenser les quartiers et le modèle de développement des villes de banlieue pour créer des milieux de vie priorisant la qualité de vie en ville. Ces nouveaux villages urbains rendent accessible à pieds la plupart des services de proximité

 

La mobilité urbaine durable : Un chantier collectif stimulant pour l’avenir

 

La mobilité urbaine durable est un fantastique chantier collectif pour l’avenir qui implique tous les agents de la société. En premier lieu, les citoyens dont les choix de mobilité représentent un choix personnel. Le système éducatif forme les jeunes et les moins jeunes en ces matières et fait évoluer les concepts. Les médias ont un rôle fondamental de sensibilisation à jouer. Les entreprises voient leur efficacité affectée par la mobilité des employés et des biens, et ont une responsabilité sociale de valoriser la mobilité urbaine durable. Les producteurs de véhicules, à l’instar de Michelin ou de Renault, peuvent inclure dans leurs stratégies de développement leur contribution à ces principes. Les organismes de transport et leurs consultants sont au cœur du défi de modifier leurs offres et pratiques. Les planificateurs urbains cherchent la voie des plans intégrés et des nouvelles pratiques d’urbanisme. Enfin, les élus à tous les niveaux, en commençant par les élus municipaux ont la lourde responsabilité de piloter les changements via les priorités gouvernementales et le financement alloué à ce chantier. La complexité des interventions, la difficulté des choix et la multitude des lieux de décision ne doivent  pas servir de prétexte pour retarder ces choix de société incontournables.

 

Florence Junca Adenot PH D

Directrice du Forum URBA 2015

Département d’études urbaines et touristiques, UQAM

A été présidente de l’Agence métropolitaine de transport de 1996 à 2003