La surenchère de l’information – conclusion 1
Par Michel Frankland
Une des constantes de base de toute civilisation consiste dans sa relation au temps. Il est en effet nécessaire puisqu’il constitue une condition sine qua non  à la notion de signification collective. Sans l’histoire, il n’existerait pas de continuité, donc pas de relation entre les générations. Pas de sagesse. Pas de clés pour comprendre les circonstances particulières dans lesquelles se débat ce groupe humain. Serait de même absente la prudence nécessaire pour éviter les traquenards diplomatiques et les subtilités ennemies. Bref, l’histoire fonctionne à la matière d’un GPS collectif. Elle marque la route parcourue et propose le cheminement le plus approprié.
Mais l’histoire, prise en charge collective du temps, recèle une autre vertu aussi fondamentale que la sagesse. Elle procure au peuple son identité ; de celle-ci se dégage une certitude collective qui génère paix et bonheur pour le groupe. J’ai vécu ma jeunesse dans ce que l’on a à tort nommé «La Grande Noirceur». C’était un temps heureux. Les familles, les institutions, l’Église, les cours classiques et les instituts techniques formaient un tout passablement harmonieux – en tenant compte, évidemment, des vicissitudes de la faiblesse humaine. En somme, au profit d’une sagesse, l’histoire ajoute celui, affectif, d’un bonheur collectif.
Si j’ai écrit cette longue présentation en conclusion, c’est pour montrer, par mode de repoussoir, que les collectivités elles-mêmes sont loin de respecter la dimension chronologique de la vie collective. J’en donne deux exemples qui nous touchent de près.
Au Québec, c’est un fait reconnu, nous avons rejeté la période précédant la Révolution tranquille. Par un juste retour magique des choses, cette période a été qualifiée, tel que signalé plus haut, de «Grande Noirceur». La cause était instruite : l’hégémonie de l’Église, la société sclérosée, bref un monde abruti dont la Révolution tranquille – Tadam ! – allait nous libérer.
Nous avons en somme refusé la sagesse et le bonheur que procure un commerce fécond avec le temps. C’est pour cette raison que nous avons perdu beaucoup d’ascendant sur les immigrants. Nous avons perdu la sève vitale. C’est une perte que la raison ne voit pas toujours bien ; l’instinct le saisit. Cette jeune vietnamienne, immigrée au Québec depuis environ 6 ans, brillante autant que discrète, est assise dans mon bureau de prof au collégial. La matière réglée, je lui demande comment elle perçoit le Québec. Elle hésite, s’empourpre. Je sens qu’elle n’ose pas révéler un point de vue qui pourrait me contrarier. Je l’assure de mon estime. Je vais accueillir tout ce qu’elle me dira. «On dirait que vous êtes en orbite. Vous niez votre histoire. Vous êtes déracinés. Vous êtes comme amputés.» Et dans son pays ?
Elle me fournit une illustration d’une tradition significative. «Chez nous, quand un type devient voleur, on dit qu’il n’a plus de famille. En effet, en tant que hors-la-loi, il est une honte pour sa famille. » Il s’est coupé d’une source collective vitale. Il n’a plus de famille, et, d’une certaine manière, sa nationalité s’en trouve amochée. Autre exemple, cette jeune vietnamienne explique une coutume chez les jeunes femmes devenues «familières» des soldats américains durant la guerre que l’on sait. «Ces filles se coupaient les cheveux. C’était pour tout le monde un indice social à la fois discret et très parlant. Une jeune femme dans mon pays portait les cheveux longs, marque de travail sur soi-même et de dignité toute naturelle. Elles se coupaient les cheveux par respect pour leur famille. Elles ne voulaient pas que leur état de prostituée ternisse l’honneur familial. Elles se ‘coupaient’ donc de leur famille par cette coupe qui voulait tout dire.»
Et c’est parce qu’on a des racines dépéries qu’on a accepté l’hallucinant comité des accommodements raisonnables.  Un peuple bien enraciné dans son histoire aurait tout de suite crié à la tentative d’assimilation. Il aurait requis l’évidence : « Au lieu de commencer à l’envers par les accommodements, partons de nos valeurs de fond. Et, en regard de ces valeurs, y a-t-il besoin d’accommodements ? Si oui, définissons-les précisément. Sinon, que les personnes venues d’ailleurs et qui refusent nos coutumes cherchent sous d’autres cieux. Si elles se sentent en syntonie avec nous, nous les accueillerons. Nous userons du même respect avec ces groupes qu’ils en usent avec nous.» Voilà qui viendrait d’un peuple qui a évolué en continuité avec la mouvance historique.
Le déracinement connote surtout le monde urbain. Mais dans les entrailles du peuple, on n’a pas quitté un commerce fécond avec notre chronologie. D’où Hérouxville, réaction essentiellement saine, dont les urbains se sont moqués à tort, tout occupés à la déconstruction des racines québécoises. Car il faut être moderne, n’est-ce pas !…
Au total, il n’y a pas de façon plus respectueuse d’accueillir les immigrants qu’en étant soi-même, bien enracinés dans sa propre histoire.
Dans la deuxième partie de la conclusion, nous considérerons la fragilité de la perspective anglo-canadienne par rapport à l’arrivée des immigrants. Nous analyserons en quoi la surenchère d’information en ce domaine les dirige vers une liberté illusoire.
[1] Mensa Canada Communications, vol. 25, no 9, déc. 1992, pp. 5, 8 et 9.
Michel Frankland
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