Montréal

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Comme un boxeur…

23-09-2010

Comme un boxeur…

Par Jean-Paul Kozminski

Les  célébrations entourant le 30ième anniversaire de la naissance de SOLIDARNOSC  ont été un tournant dans la vie de ce grand mouvement libérateur du joug communiste.

Un grand virage puisque Lech Walesa a refusé de participer aux différentes commémorations. Ce grand tribun ne reconnait plus le syndicat dont il a été le porte-parole. Il aimerait voir Solidarnosc comme un mouvement social et non comme un syndicat.

Que c’est-il passé? Comme un boxeur qui a gagné son combat après 15 terribles rounds ou les coups les plus durs lui ont été assénés, Solidarnosc, épuisé, n’a pu se permettre de jouir de sa victoire très longtemps.

Un boxeur encore étourdi par les crochets et uppercuts ne peut prendre des décisions éclairées sur tous les aspects de la vie. Le temps de la récupération crée un vide obligatoirement comblé par l’urgence de décisions à prendre.

Grand virage vers une polarisation des idées : d’un côté un parti politique (Loi et justice) dirigé par J.Kaczynski  et de l’autre le parti de la Plateforme civique appuyé par Lech Walesa et dont le président actuel est M.Komorowski.  Disons que Loi et justice fait appel aux valeurs traditionnelles nationales et patriotiques de la Pologne ancestrale et que Plateforme civique est tournée vers l’économie ouverte, européenne, entraînant les ajustements domestiques tels que ajustement de la monnaie et des taux d’intérêts, échanges commerciaux, compétitivité accrue, etc…  problématique qui nous est familière mais qui, pour un peuple qui vient de retrouver de retrouver sa liberté (30 ans, c’est jeune) nécessite un grand effort de compréhension et d’adaptation.

J’ai pu constater ce clivage entre les «anciens», ceux qui ont connu l’ère communiste et qui se sont battus et les jeunes qui forment déjà une relève très dynamique et très adaptée à notre mode de vie et de pensée. Études universitaires, voyages, échanges, mobilité de travail (Irlande, Allemagne, Europe avec un grand E), cette jeunesse apporte beaucoup à la communauté européenne.

Comme tous les jeunes, ils pensent que les combats de leurs pères ont été nécessaires et héroïques mais que maintenant c’est à leur tour de monter dans l’arène.  Le vieux boxeur peut leur servir de coach, mais je sais que la jeunesse polonaise trouve, en ce moment, son style et qu’elle sait  mesurer et apprécier son nouveau défi : tirer le meilleur d’une économie ouverte.

Au cours de nos différentes rencontres, tous les dirigeants syndicaux, du clergé, ou politique, ont salué et remercié vivement la FTQ pour sa contribution apportée à la lutte et la dignité retrouvée du peuple polonais.

Notre bref séjour en Pologne nous a permis de comprendre (un peu) la complexité des enjeux auxquels font face les dirigeants de ce pays.

Nous remercions chaleureusement tous les dirigeants de Solidarnosc qui nous ont si bien reçus à Varsovie. Avant de partir, Zénon Mazur m’avait dit : «tu vas voir, les Polonais savent recevoir»!

Disons que la réception a été au-delà des attentes. Mais ce que nous retenons c’est la chaleur humaine, le goût de la discussion, la spontanéité des échanges.

De Varsovie à Cracovie, en passant par Gdansk, partout nous avons entendu de la grande musique, partout des références à l’art et à la culture. Imaginez-vous un orchestre symphonique sur une estrade tissant une ambiance sonore avec l’histoire imprégnée dans les murs de la grande place d’une grande ville. Imaginez-vous dans un grand parc, au milieu des roses et des fleurs, avec, sous une statue géante de Chopin, un pianiste interprétant, (dans un silence que seul le souffle du vent dans les arbres accompagne) les œuvres de ce grand musicien. En prise avec ces notes qui éveillent des sentiments profonds, 4000 oreilles, comme des pavillons récepteurs.

Comprendre, un peu, l’âme polonaise, c’est aussi une rencontre à l’Opéra. Rencontre avec un dirigeant de Solidarnosc : au cours de la conversation tournant autour des souffrances endurées par Varsovie (180 000 morts lors de l’insurrection en 1945), je vis des larmes perler dans ses yeux au souvenir de ses grands parents déportés en Sibérie et dont jamais on ne retrouvera la tombe.

Thérèse, mon épouse,  lui a spontanément  tendu la rose qu’elle tenait dans ses mains. Nous nous sommes étreints, unis dans l’épreuve, unis dans le présent, unis dans le bonheur et la certitude que nos enfants peuvent vivre libre et apporter leur pierre à la communauté.