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ANTHONY BENOÎT, CULTE, CULTURE ET MÉMOIRE

08-09-2010

ANTHONY BENOÎT, CULTE, CULTURE ET MÉMOIRE

La démarche du créateur

 

 

 

 

par Yves Alavo



 

Depuis de nombreuses années, un grand frère, un artiste de très grande capacité créatrice donne au milieu montréalais de la culture une dimension et une profondeur qui semblent nous rassurer.  Ce qui nous questionne d’une certaine façon, ce sont les écarts qui existent, assez importants, entre l’envergure d’un auteur-créateur et son œuvre et les effets, l’impact médiatique qui lui est réservé.  Comment peut-on faire comme si cet artiste, son œuvre volumineuse et significative, sont des réalités et des productions d’un autre univers?

 

Qu’est ce qui explique cette portion congrue au sein des médias et l’absence quasi permanente des œuvres et des activités professionnelles artistiques d’Anthony Benoît dans les publications et les productions électroniques de chez nous destinées aux divers publics d’ici et d’ailleurs?

 

L’artiste Anthony Benoît, comme d’ailleurs ses deux confrères dont nous avons fait les portraits pour Le Carrefour des opinions, mérite largement d’être connu pour le bienfait de nos artistes et de nos publics

L’acte de création est une aventure merveilleuse. «Comment dire cette pulsion innomée qui nous induit si impérieusement à fréquenter ces hauts lieux de Mémoire, ces zones d’ombre, là où sourd toute vie et naît toute culture ?«.

 

Les propos de l’artiste disent aussi sa sagesse et son expérience : Écoutez ses propos  «Il arrive que l’artiste soit le premier étonné de ce qu’il ramène de ces incursions.  Nul ne sait, dans ses méandres, de combien d’eaux nouvelles s’enrichit le fleuve.  J’ai voulu tout faire d’un seul coup : exprimer l’oppressant questionnement qui fut toujours le mien face au mystère du vivant et concurremment retrouver l’antique cheminement qui conduisit mon peuple à inventer sa propre façon de dire l’indicible.  Quant aux couleurs, ce sont celles dont mes yeux ont gardé mémoire, les rues !  Les marchés! Les campagnes!  L’Haïti  de mon enfance fut une telle féerie de couleurs et de soleil«.

 

 

Anthony Benoît est né à Port-au Prince et y a grandi au milieu d’une famille très sensible aux arts. Poésie et musique ont toujours nourri son imaginaire. Après ses études secondaires il entre à l’école normale supérieure section mathématiques et physique.

 

Diplômé en 1961, il enseigna au collège Saint Pierre. En 1964, contraint à l’exil, il enseigna ces deux disciplines au Tchad.  Depuis 1968 il vit au Canada où il poursuit sa carrière jusqu’en 1995, année où il prend sa retraite de l’enseignement pour se consacrer totalement à la peinture.

 

Ce  qui caractérise la peinture d’Anthony Benoît c’est d’abord la couleur.

Sur la palette du peintre se retrouvent les mélanges les plus inattendus dans une gamme très étendue de tons et de nuances. Comme il le dit, ses yeux ont gardé mémoire de l’Haïti de son enfance.

La longue fréquentation des formes géométriques ne pouvaient ne pas laisser de traces dans l’Å“uvre  de l’artiste. Les ellipses, les triangles, les carrés, les rectangles, les lignes mêmes sont représentés chacun avec leur  personnalité propre.  C’est comme si Anthony Benoît voulait leur faire dire un secret.

 

De la géométrie aux Vêvês, dessins incantatoires du VODOU haïtien, il n’y a qu’un pas que l’artiste a franchi allègrement.  Cette incursion dans la culture

Composition sur Vêvê

haïtienne a été une période très prolifique dans la jeune carrière artistique d’Anthony Benoît; ce sont: les cerfs-volants et toute la série des compositions sur vêvê.

 

 

 

L’artiste explore le corps par le mouvement et la danse, où la danse elle-même n’est qu’un prétexte à l’expression de sentiments : danser pour dire la tristesse, danser pour dire la tendresse, danser pour dire l’allégresse, danser pour dire l’ivresse.  La Mémoire  est un thème qui revient très souvent dans l’Å“uvre d’Anthony Benoît.  Dans sa quête d’expression,  l’artiste fait appel aux symboles qui habitent sa culture et il n’hésite pas à utiliser ou même à créer  les éléments propres à rehausser l’expressivité de sa peinture.

 

Ce faisant, il ouvre de nouvelles voies à l’art.  Avec une patience qui le place sur la trajectoire des créateurs universels, quelque soit la culture dont ils sont fécondés ou les médias qu’ils revendiquent, Anthony Benoît s’amuse, d’une certaine façon, des formes actuelles parfois trop sujettes aux modes que les artistes de l’heure donnent à leurs créations.  Inclassable, Anthony Benoît semble, tel un ministre dévoué aux cultes ancestraux, célébrer.

 

Tel un ascète de l’art, cet artiste au regard serein, plane sur les thématiques et s’amuse, encore une fois grâce à son génie artisanal, il est en effet un expert des cerfs volants dont il crée de nombreux spécimens et donne des ateliers aux jeunes de chez nous.  Montréalais de longue vie et de cœur, Anthony Benoît est professeur de mathématiques, peintre et philosophe qui s’exprime grâce à la poésie et avec ses pinceaux :

 

Je me déroule tel un long fleuve à travers les Âges

Je suis la Mémoire

Je suis née avec l’humanité

Je disparaîtrai avec elle

Je me souviens de tout

Je conserve et transporte toutes les traces

Je convie au même banquet

Maitres et esclaves,

Conquérants et vaincus

Reines et bergères

Je suis celle qui donne force et profondeur

À toute culture individuelle et collective

Je consigne tout dans mon grand livre

Je le transmets de générations en générations

Nul ne peut m’ignorer

Mon domaine est le temps

Et l’espace n’a pas de secret pour moi.

 

Sur le site de l’artiste, des œuvres qui marquent les principales étapes de sa création, son parcours qui s’inscris dans les sillons infinis et défie les clichés.  Partout, comme Africain, comme Haïtien et surtout le Montréalais dynamique qu’il est, Anthony Benoît ne correspond à aucune case, aucun cliché et il surfe sur les préjugés dont se gavent nombre de superficiels analystes et individus dont le regard et les idées réductrices n’ont de comparables que l’étroitesse d’esprit.  Anthony Benoît garde pour la suite du monde, ses propos sur les grandes fenêtres classiques qui disent les rites de passage :

 

La naissance

Tu nous arrives telle une lumière,

L’espoir de ta communauté,

Portrait de Mandela

De l’humanité.

Je te remets les clefs de la mémoire,

Tu y trouveras nos peines et nos joies.

Puisses-tu adoucir les premières et

Prolonger les dernières

L’exil

Dans les méandres

De tes pérégrinations,

Que D’eaux nouvelles!

Tu t’y abreuves

Et tu en es transformé

Ton passage restera gravé dans

La mémoire que tu enrichis.

La mort

À la fin de ta course,

Tu retrouves l’arbre

Qui t’avais accueilli et nourri.

À ton tour

Tu entres dans la Mémoire

Pour que se poursuivre

Le rêve.

Pas possible et jamais nous n’aurons la prétention de figer, via un portrait, le plus surréaliste pourrait-il être,

Anthony Benoît

la figure du grand frère, artiste, citoyen engagé et doyen par la sagesse, de notre colonie artistique de métèques urbains universels.  Si Montréal est aussi attrayante et si elle fascine de plus en plus, Anthony Benoît n’y est surtout pas étranger.  Anthony Benoît clos la trilogie des artistes de chez nous : Joseph André, Frantz Louis et Anthony Benoît.

 

 

Yves ALAVO

 

Suivez et découvrez les créations de l’artiste :

 

Anthony Benǫt Р514 739 6962, son site : www.anthonyBenǫt..com

 

Son adresse de courriel : anthonyBenoî[email protected]