Hindi Zahra, briser les tabous, vivre libre
Yves Alavo
Pour l’ouverture officielle de la 24e édition du FINA, les organisateurs ont proposé sur la scène du National de la rue Ste-Catherine, Hindi Zahra. Née en 1979 à Khouribga, une ville minière du Sud marocain, Hindi Zahra débarque à Paris en 1993, pour rejoindre son père.  Issue d’une famille berbère, elle grandit au son des divas égyptiennes, elle écoute la musique des grandes voix du raï et du châabi, du rock’n roll marocain, des mélodies traditionnelles, du blues sahélien.  À ce menu ajoutons un peu de folk africain, une pincée de groove et de reggae. Ce sont ses oncles musiciens qui lui montrent le chemin.
C’est de cette légende que jaillit l’artiste que nous avons connu via les reportages des radios et des télés françaises. Elle est accompagnée de musiciens chevronnés, un son impeccable, deux guitares, un clavier et une percussion, enracinés dans l’univers moderne des notes métissées, des rythmes issus des contreforts du Bandiagara aux flancs de l’Atlas et bercés par les vagues « goréennes ». Les notes qu’elle utilise sont poussées par le souffle des plateaux éthiopiens ou alors percutées par les échos des forêts que traversent les fleuves Zambèze, Congo. Elles sont aussi, souvent propulsées par l’Harmattan des steppes sahéliennes.
Zahra signifie, selon les interprétations « fleur » ou/et « chance ». Elle est née pour vivre la passion pour les musiques, dans leur diversité. Après avoir obtenu son baccalauréat en France, elle apprend son métier sur les scènes dites alternatives. La chanson Oursoul, écrite en 2005, braque les projecteurs sur le thème qu’elle défend, la condition des jeunes filles forcées à se marier. C’est la première marche vers le succès et vers une série de textes et de mélodies qui la font connaître : Beautiful Tango qui fait vite le tour d’Internet est repéré par The Wire, le mensuel culturel de référence en Grande-Bretagne.
De contrat en « exposures », cette visibilité que lui a donné la mélodie d’une publicité qu’elle a composée à partir du thème de Beautiful Tango, Hindi Zahra écrit de nombreux textes et compose des mélodies qui se retrouvent sur son premier album. Il s’agit d’une œuvre personnelle remarquable qui donne la mesure de sa culture musicale. Sa musique situe son enracinement dans l’univers musical berbère, métissage né des transhumances des générations antérieures et actuelles sur les côtes méditerranéennes vers les sables du Sahara et sur les routes commerciales et intellectuelles qui ont constitué la gloire des empires africains.
Hindi Zahra surprend par l’ampleur et l’espace des paroles, la place centrale du chant et des références aux œuvres négro-américaines : blues, jazz, folk et soul de l’Alabama, tons et musiques de Chicago dans la détresse et dans l’époque de la fureur, timbres à la Miles Davis, Negro spirituals, Rythm’ and Blues, Rock’n’Roll et Funk à la lisière du Gospel parfois, le tout porté par une rythmique négro-africaine que bercent les mélodies Gnawa, Chaabi, avec un Raï urbain arrosé de coulis Flamenco et Manouche. Tout pour déstabiliser un auditoire conquis d’avance qui n’a cessé d’applaudir de la première note au dernier rappel interminable.
Hindi Zahra a de la personnalité, sa présence sur scène révèle une artiste qui a plus de décennies en qualité d’expérience que les trois de son âge biologique. Elle a du charme, celui qui touche et dont le souvenir est long, elle habite les cœurs, elle demeure en lien avec ses musiciens et transpire d’une féminité qui trahit son africanité profonde.