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Dis-moi qui tu connais …

17-07-2010

Dis-moi qui tu connais pour que je te dise si tu peux trouver un emploi (digne)

Par  Aminata  Diabi

Le 30 avril dernier, Yolande James, ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, dévoilait les résultats préliminaires des projets de Défi Montréal lancés en 2009 pour aider les immigrants du Québec, surtout les femmes, à trouver un emploi correspondant à leur formation et à leurs compétences.

Étant moi-même immigrante, je ne pouvais que me féliciter de cette initiative. En effet, malgré leurs compétences de haut niveau, le chômage touche les immigrants de plein fouet, avec un taux qui s’élevait à 11,5 % en 2006, soit deux fois plus que le taux observé pour la population née au Canada.

Autant à Ottawa qu’à Québec, on ne ménage aucun effort pour endiguer cette crise. Oui, cette crise, car les gouvernements ont bien compris qu’un immigrant au chômage risque de se démoraliser et finir par rentrer dans son pays avec un goût d’amertume, la sensation d’avoir perdu son temps. Une fois rentré, il pourrait très bien décourager d’autres immigrants potentiels de venir s’établir au Canada, et c’est bien là ce que l’on redoute.

Alors, on multiplie les campagnes de sensibilisation auprès des employeurs, on ne lésine pas non plus sur les subventions, les formations gratuites, les aides en tout genre, bref, tout est mis en œuvre pour faciliter l’insertion professionnelle des nouveaux immigrants. Alors, comment expliquer ce taux chômage inacceptable, voire révoltant?

Pour ma part, au Québec, la réponse se trouve du côté des employeurs. Selon moi, ils sont au cœur du problème, car en fin de compte, ce sont eux qui détiennent ces fameux emplois et qui préfèrent embaucher des Québécois dits de souche, plutôt que des immigrants qui, de surcroît, ont souvent une éducation supérieure à celle des Québécois. Les chiffres le prouvent : dans notre province, 80 % des emplois sont cachés et comblés par le bouche à oreille. Par conséquent, comment espérer qu’un immigrant fraîchement arrivé, ou établi depuis quelques mois puisse pénétrer le marché de l’emploi?

On me répondra qu’il est souvent compliqué de déterminer la valeur des compétences et des diplômes acquis à l’étranger. Mais le Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers est là pour ça et a même rédigé un guide en vue d’aider les employeurs recherchant de la main-d’Å“uvre qualifiée.

Je me rappelle une discussion avec un immigrant marocain installé au Québec depuis une dizaine d’années. C’était en 2005, quelques semaines après mon arrivée, j’avais trouvé un emploi dans un centre d’appels, et c’est là que j’ai rencontré Aziz. Nous parlions souvent de la vie dans nos pays respectifs, de l’intégration au Québec et de ce qui nous avait poussés à immigrer. Lorsqu’un jour, je lui ai expliqué que je comptais activement chercher un emploi plus en harmonie avec ma formation, il a mis la main sur mon l’épaule, puis m’a dit : « Aminata, oublie ça! Tu ne trouveras JAMAIS. Moi je suis ingénieur, tu le sais, et je n’ai jamais trouvé un bon boulot. C’est impossible pour nous, les Québécois ne donnent qu’aux Québécois. Tu vas perdre ton temps. »

Et il y avait (il y a toujours) beaucoup de vrai dans ce qu’il disait. Comment le gouvernement pense-t-il que les immigrants peuvent tirer leur épingle du jeu quand il sait pertinemment que, comme mentionné plus haut, les emplois ne restent que dans des réseaux fermés?

On nous dit « lancez-vous en affaires alors! » Oui, mais là aussi c’est pareil. Les Québécois font affaire avec des gens qu’ils connaissent, même si le service n’est pas tout à fait parfait, c’est plus facile de demander à la cousine du voisin que de faire appel à un professionnel qualifié.

Les choses changent et les autorités fédérales et provinciales font beaucoup pour remédier au problème. Cependant, tant qu’il n’y aura pas de vraie prise de conscience au sein des employeurs, les choses ne changeront pas de sitôt.

Les systèmes de « réseaux » et de « relations » ont leurs vertus et leur utilité dans nos communautés, mais quand ils privent des centaines de milliers d’immigrants d’obtenir un emploi à la hauteur de leur talent, ils ne font qu’entretenir l’exclusion.