Montréal

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Peut-on croire en la démocratie?

27-05-2010

Peut-on croire en la démocratie?

Par  Abel Arslanian

 

 

Le mot , démocratie, est apparu dans la bouche et sous la plume des philosophes de la Grèce antique: étymologiquement, il signifie «le pouvoir au peuple». Une grande expression en soi mais que recouvre-t-elle en fait? La conception moderne du mot peuple est celui d’un ensemble d’individus jouissant d’une égalité et d’une liberté d’expression comparables,au sein d’une même société et pour que celle-ci soit organisée et fonctionne harmonieusement, elle doit se donner des structures, des règles, des lois instituant ainsi ce que nous pourrions appeler le pouvoir.

L’Histoire montre diverses formes d’exercice de pouvoir allant de la monarchie absolue à l’anarchie en passant par le despotisme et la tyrannie. Dans nos démocraties modernes basées sur le suffrage universel, le pouvoir est entre les mains du peuple dans un sens puisqu’il peut exprimer son opinion légalement et librement en particulier par son droit de vote. Platon pensait que confier le pouvoir au peuple pouvait se comparer à laisser piloter un navire par un matelot novice et sans expérience : le peuple est fait d’hommes raisonnables mais aussi de personnes ignorantes, indifférentes ou, nul ne peut le nier, de criminels sans aucune conscience. Il est tout simplement irrationnel de laisser «…la société être dirigée par le premier venu, par n’importe qui, par des aveugles.» Un point de vue plus moderne dans la démocratie veut que ce soit l’opinion de la majorité exprimée, qui soit considérée comme admise. Or ce postulat de base ne satisfait pas la raison : n’oublions pas l’impulsivité et la versatilité qui peut caractériser les foules ceci en raison de manipulation, de critères individualiste ou autres. Gandhi était tout à fait logique et rationnel quand il affirmait que :«l’erreur ne devient pas vérité en se multipliant». C’est la force du nombre et non de la raison qui fait loi; or la majorité peut se tromper, la vérité ne lui est pas acquise. Pour certains, rien ne vaut la «sagesse populaire» croyant que le peuple étant celui qui subit les applications des lois est le mieux placé pour en parler de façon logique et éclairée, pour les évaluer et les accepter ou les rejeter ! De plus, les partisans de la participation active pourraient nous objecter que le peuple n’a pas que son droit de vote pour s’exprimer et que la démocratie peut être pratiquée dans des débats publics, avec une information éclairée et impartiale donnée par les media , des réponses à des questions fondamentales par le biais de référendum populaire. Parlons donc du référendum : par définition, il fait intervenir le peuple dans son ensemble, mais sur quoi exactement? Il pose souvent une question qui fait appel à des émotions diverses et qui, par ailleurs, présente souvent une définition simplifiée ne faisant pas ressortir la complexité des enjeux. De plus, qui décide de la tenue de ce référendum? Le peuple lui-même ou les gouvernants en place ? Nous ne voyons là aucune structure vraiment rationnelle.

La démocratie «vraie» c à d le pouvoir au peuple dans son sens strict, comme le souligne le sociologue Jean Baechler, n’aurait existé que dans les sociétés primitives organisées en bande où tous les membres du groupe bénéficiaient du même statut et participaient à toutes les décisions qui tournaient autour de leur survie ( se nourrir, se défendre etc.). Dans nos sociétés où la multitude de personnes impliquées et le nombre incalculable d’intérêts, personnel et collectif, sont en présence, il devient alors irrationnel d’imaginer confier le pouvoir au peuple. Envisager,  à la manière de Socrate, un compromis dans l’attribution du pouvoir serait plus du domaine de la raison.

Nous ne pouvons nous plaindre réellement de la façon dont le pouvoir est exercé dans nos démocraties en particulier si l’on se compare aux sociétés totalitaristes puisque le peuple peut intervenir dans la chaîne du pouvoir à un moment donné mais il nous semble utopique de penser qu’il le contrôle. Que de frustrations avant, pendant et surtout après nos élections démocratiques : cela signifie bien que l’individu se sent comme une goutte d’eau insipide balayée par l’océan de la majorité !

 

Au cours des siècles, l’homme a essayé de s’organiser en société sans jamais aboutir à une structure parfaite et idéale. Mais la société est en constante évolution et il faut espérer qu’un jour, elle trouvera la façon la plus rationnelle donc conforme au vrai de se gouverner.