par Henri Arslanian
L’IMPACT MINEUR DU RETRAIT DE GOOGLE DE LA CHINE
Même si le retrait possible de Google du marché chinois a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours à travers le monde, cela ne risque d’avoir qu’un impact mineur sur Google et la Chine, et ce notamment pour des raisons politiques, commerciales, légales et pratiques.
Côté politique, l’impact du possible retrait de Google de la Chine ne risque pas de bouleverser les relations entre la Chine et les États-Unis. De nombreux autres sujets comme la réévaluation du yuan, les différends commerciaux, la récente vente d’armes à Taiwan, la rencontre entre Obama et le dalaï-lama et même la question du nucléaire iranien seront probablement plus prioritaires aux yeux des deux pays que le retrait de Google.
D’une perspective commerciale, malgré ses 400 millions d’internautes, la Chine ne représente qu’une partie négligeable des revenus mondiaux actuels de Google. Son compétiteur majeur, Baidu, une entreprise chinoise qui est ironiquement listé sur le NASDAQ à New York, détient plus de 60% du marché, très loin devant Google.
D’un point de vue purement légal, la Chine a le droit d’exiger que les entreprises étrangères faisant des affaires en Chine respectent le droit chinois. Google connaissait les lois chinoises avant de faire des affaires en Chine et comme de nombreuses autres entreprises étrangères, a été obligé de s’y plier en, notamment, censurant google.cn pour avoir un accès direct au marché chinois.
Par analogie, une entreprise chinoise peut ne pas être d’accord avec les lois du travail du Québec, mais elle doit s’y conformer si elle veut faire des affaires au Québec. Le même principe s’applique aux entreprises étrangères en Chine, incluant Google.
La censure d’internet est une réalité en Chine et fonctionne en pratique à deux niveaux: l’autocensure -appelée communément le Great Firewall of China. Une recherche effectuée sur Google.cn, un site basé en Chine et autocensuré par Google, n’affichera pas certains résultats jugés sensibles. Une recherche effectuée en Chine sur Google.com, un site basé à l’extérieur de la Chine et soumis au Great Firewall pourrait afficher certains résultats sensibles, mais les liens pour accéder à ces sites risquent d’êtres bloqués.
De plus, certains sites, comme Facebook, Twitter ou YouTube, sont tout simplement bloqués. En pratique, beaucoup affirment que la censure d’internet est plus ou moins efficace, car de nombreux internautes chinois, incluant des étrangers vivant en Chine, peuvent contourner ces mécanismes de censure assez facilement en utilisant des serveurs proxy, ce qui leurs permet d’utiliser internet de façon assez libre et d’accéder à Facebook, par exemple.
Conséquemment, les répercussions directes du retrait de Google risquent d’être limitées, particulièrement si d’autres multinationales n’emboîtent pas le pas. Certains diront que cette décision de Google pourrait être positive d’un point de vue de relations publiques, car cela pourrait améliorer son image corporative à l’extérieure de la Chine, où Google enregistre la quasi-totalité de ses revenus. Par contre, se retirer d’un marché de 1,3 milliard de personnes est un pari risqué mais courageux et l’avenir dira si cela a été une sage décision…
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L’auteur est un avocat québécois, basé à Hong Kong, qui se spécialise en droit chinois et des affaires en Chine