LE CHOIX DES MOTS, UNE CONSÉQUENCE SUBJECTIVE
Par Michel Frankland
On a demandé à des gens s‘ils mangeraient du cochon. Non ! Un commentaire souvent entendu dans ce test : «Il est trop sale ! » La deuxième question portait sur une liste de 10 aliments usuels, dont le porc. Question : « Ce sont là les aliments habituels. Correspondent-ils à ce que vous mangez de temps à autre ?» Quelques rares personnes ont signalé le lien entre cochon et porc, mais pour une claire majorité, le porc constituait de la bonne nourriture.
Il en va de même pour certaines formules gouvernementales. Par exemple, l’aide médicale à mourir. En quoi est-ce différent d’un suicide avec l’appui médical ? C’est la même chose. Sauf que le terme « suicide » évoque une vie ratée, une destruction de soi, une démission du courage nécessaire pour mener une vie digne. Mais la formule nous oriente vers la relation au médecin, évocation noble et respectée. Cet être d’élite nous aidera à « mourir (…) » Mais l’affirmation est « belle » puisque implicitement le médecin l’approuve. De même que le porc ennoblit le cochon, l’aide du médecin rend digne et licite le suicide.
Je suppose, pour ce dernier cas, qu’on a songé que les hôpitaux étaient trop pleins .Il fallait donc abréger par suicide assisté la durée de soins nécessaires à un traitement passablement plus long dans un hôpital déjà bondé. Ou état-ce simplement une manière inventive pour supprimer des souffrances ?
Ces deux exemples illustrent le pouvoir magique des mots. Ils constituent un arrangement viable avec la réalité. L’être humain est un océan d’émotions. Il est tout sauf objectif. Bien sûr, il y a des pans de nous qui rejoignent les divers aspects de la réalité. Mais qu’on parle de politique, de religion, de relations au travail, ou encore de l’ordre intime de nos relations amicales, ces éléments déclenchent le flux souterrain des émotions. Il jaillit, et bientôt on formule des expressions souvent passionnée –bien qu’elles prennent quelquefois le ton rationnel, preuve désirée de paraitre objectif.
De nombreuses sessions de dynamique de groupe m’ont convaincu de ce qui précède.