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L’ère du feu

13-06-2023

L’ère du feu

par Gérard Montpetit

En Amérique du Nord, nous subissons un printemps chaud et sec, très propice aux feux de forêt. En Alberta, des milliers d’hectares de forêt brûlent depuis un mois. Puis, nous avons la surprise de voir la Nouvelle-Écosse dans cette tourmente. Et depuis une semaine, c’est au tour du Québec. Les médias font état de centaines de feux hors contrôle, de 200 000 ha partis en fumée, de l’évacuation de Chibougamau, sans oublier des avertissements de piètre qualité de l’air dans l’est du continent.[1] Les Premiers ministres Legault et Trudeau admettent que la saison des incendies risque d’être intense.[2] Pourtant, l’été ne débutera officiellement que le 21 juin prochain! D’ici la fin de la saison des feux de forêt, il y a quatre longs mois!

 

En plus des ouragans comme Fiona et des inondations dont celle de Baie Saint-Paul, les changements climatiques produisent des conditions propices aux feux de forêt. Dans certains endroits, le thermomètre indique 15 degrés C au-dessus de la normale avec un faible taux d’humidité; ce sont des conditions presque aussi extrêmes que dans la fournaise de la redoutable Death Valley de Californie. Depuis quelques années, l’humanité a été témoin d’incendies monstrueux en Australie, en Californie et en Europe. Dans cette liste de méga-incendies, il faut parler nécessairement de LA BÊTE (The Beast) de Fort McMurray en 2016.[3] Les statistiques de ce désastre sont effarantes : 590 000 ha de forêt boréale consumés, 88 000 personnes évacuées, 2 400 maisons détruites, et des dommages matériels qui frôlent les 9,9 milliards de dollars.[4]

 

Dans un livre qui vient tout juste d’être publié, John Vaillant fait l’autopsie de l’horreur de ce désastre.[5] Dans une entrevue, l’auteur nous dit que les conditions extrêmes ont changé le comportement des grands incendies. Le surnom The Beast lui vient de sa capacité de se reproduire avec des tornades de feu et de tout dévorer comme une bête maléfique de la mythologie. Durant cette conversation, nous comprenons que les énergies fossiles vont de pair avec le feu. L’auteur affirme également que l’Alberta est une filiale de l’industrie pétrolière; ce commentaire est intéressant si on considère que l’Alberta a réélu Mme Danielle Smith comme Première ministre alors que les incendies grondaient, encore une fois, dans cette province! Enfin, il suggère d’établir la balance entre les véritables coûts des énergies fossiles et les bénéfices que ses promoteurs nous vantent tant! [6]

 

Ce qui nous amène aux pertes financières occasionnées par les catastrophes naturelles. Les feux de forêt et The Beast imposent des coûts sociaux énormes. « Le dernier rapport du gouvernement canadien indique que chaque tonne de carbone occasionne 250 $ de dommages à la société. »[7][8]

 

Les gouvernements aident les sinistrés, et payent pour les frais médicaux reliés à la piètre qualité de l’air, les bûcherons et les compagnies forestières perdent des milliers d’hectares de bois pour des décennies, alors que les citoyens subissent les inconvénients et payent des primes d’assurances plus élevées…s’ils peuvent s’assurer. En effet, « State Farm a annoncé qu’il cesserait de vendre de nouvelles polices d’assurance aux propriétaires en Californie, ce qui aggraverait les problèmes de milliers de personnes dans cet État sujet aux incendies de forêt. »[9] Pendant ce temps, les pétrolières engrangent des profits faramineux!

 

Depuis la nuit des temps, l’humanité a utilisé le feu pour satisfaire ses besoins, mais elle utilisait des énergies renouvelables comme le bois pour suppléer à l’énergie musculaire des animaux de trait.

 

Depuis deux siècles, la révolution industrielle a inauguré l’ère du feu qui utilise des énergies fossiles. Pour produire de l’énergie, le feu dévore le carburant en le combinant à l’oxygène; cette « digestion chimique » émet dans l’atmosphère du carbone séquestré dans le sous-sol depuis des millions d’années. C’est vrai dans une fournaise, dans une chaudière ou dans les cylindres qui actionnent les pistons du moteur d’une automobile. Utilisée à grande échelle, cette réaction chimique déséquilibre le climat de la planète. Si les humains ne contrôlent pas leurs appétits gargantuesques pour le feu, les ouragans, les inondations, les sècheresses et les feux de forêt qui nous accablent présentement sont un pâle présage de l’avenir. Pour minimiser les conséquences funestes de l’ÈRE DU FEU, il faut des énergies SANS COMBUSTION, comme l’hydro-électricité, le solaire, l’éolien et la géothermie.

Gérard Montpetit

membre du CCCPEM(Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain)

le 8 juin 2023

1] https://www.nationalobserver.com/2023/06/06/news/why-it-so-smoky-outside?

2] https://www.nationalobserver.com/2023/06/05/news/trudeau-severe-wildfire-season-fossil-fuel-phaseout?

3] https://www.theguardian.com/world/2016/may/15/alberta-wildfire-the-beast-fort-murray-canada

4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Incendie_de_Fort_McMurray

5] Fire Weather, the Making of a Beast, By John Vaillant, 432 pages, May 2023

6] Incite:Fire Weather-John Vaillant YouTube. VancouverWriter fest (entrevue d’une heure et 19 minutes avec l’auteur John Vaillant)

7] https://www.nationalobserver.com/2023/06/06/analysis/social-cost-carbon

8] https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/changements-climatiques/recherche-donnees/cout-social-ges.html

9] https://www.zonebourse.com/cours/action/AON-PLC-11994390/actualite/State-Farm-cesse-de-vendre-de-nouvelles-polices-d-assurance-habitation-en-Californie-alors-que-les-43990899/