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LES DIMENSIONS MORALES ÉVACUÉS DU DISCOURS PUBLIC

22-02-2023

LES DIMENSIONS MORALES ÉVACUÉS DU DISCOURS PUBLIC

par Michel Frankland

En ce 9 février, de nombreuses chaines de télévision nous ont présenté la tragédie de l’autobus ayant embouti une garderie à Sainte-Rose la journée précédente.

L’aspect moral, comme en toutes les descriptions à incidence criminelle, y est éliminé depuis plusieurs années. Les médias se réfèrent à la compétence des psys uniquement : « Quel type de maladie mentale a pu amener la personne coupable à commettre son acte criminel ?

On ne se pose jamais la question du degré moral de la faute. La grande majorité des conduites humaines est tissée de fils nombreux. Évidemment, l’incidence psychologique y occupe une certaine part. Mais on y trouve aussi un aspect moral. Quel est son degré de culpabilité moral ? Jusqu’à quel point a-t-il participé au mal ?

Dans cet univers, il n‘existe que le niveau du détraquement psychologique.. L’être humain devient une machine complexe – avec ou sans jeu de mots. On décortique de cette machine humaine : son histoire familiale, sa relation avec chaque parent, ses antécédents au travail, etc.

Par un relent de bon sens, on laisse entendre implicitement qu’il pourrait y avoir autre chose : « Ses difficultés de relation avec son père explique passablement son comportement erratique. »… mais tous ressentent secrètement comme un tabou de mentionner la part de culpabilité morale.

Ce serait se rattacher à l’Église. Cette même Église qui demandait aux femmes peinant à s’occuper d’une nombreuse famille de refuser le condom. Cette Église qui a « éduqué » les jeunes autochtones en les coupant de leurs traditions familiales, de leur langue, de leur culture. Cette Église dont certains prêtres pédophiles se sont attaqués à des enfants, les marquant des difficultés psychologiques que l’on imagine. Double souvenir. Ce que ma femme et moi ont vécu, vers 9 ou 10 ans, elle à Sainte-Marie de Beauce,, moi à Sept-Iles : un jeune curé vise à nous agresser délicatement –il commence à ouvrir gentiment la fermeture de ma braguette… Nous avons réagi en nous sauvant à toute vitesse. Cette même Église qui a protégé ces curés coupables de divers niveaux de silence multiplement contraires à l’esprit évangélique.

C’est de cette culture, dont je rappelle ici seulement l’aspect ecclésial, que la Révolution Tranquille a voulu se libérer. On comprend la difficulté psychologique actuelle de la société québécoise de se référer à des valeurs morales qu’elle associe aux tares –morales, justement ! – qui rappellent des souvenirs collectifs douloureux.

Il demeure que le danger de toute répression consiste dans sa transformation en refoulement. Soit un rejet total de la source douloureuse .Il en ressort «  le refus d’une souffrance utile ». C’est ainsi que Scot Peck, dans Le chemin le moins fréquenté,

définit la névrose.

Il n’y a pas dans l’Église que les tares signalées plus haut. Nous y trouvons des trésors de sagesse, de compassion. Ma femme et moi, des catholiques pratiquants.

On a tout balayé. On a abouti à une conception tronquée de l’être humain. Un être, somme toute, réduit à sa dimension psychologique mécanique. Si vous mentionnez leur carence de l’analyse morale aux analystes des troubles de la personnalité, ils vous répondront qu’ils n’en nient aucunement l’existence, mais que pour le moment, ils ne tiennent compte que de la déviance objective

Vous avez constaté la fourberie de certains commerçants. Vous n’achetez plus rien. Vous mangez des herbages. On vous signale l’honnêteté d’une grande majorité des commerces. Vous ne le niez pas. Mais vous avez opté pour une démarche « plus naturelle », plus objective. Comme si le niveau moral n’était pas objectif ! il se se trouve, au recreux de toute personne, une propension au bien et au mal. Une lutte bien objective dans notre for intérieur.