Montréal

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SIXIÈME PARTIE

20-05-2022

SIXIÈME PARTIE

par Michel Frankland

– « Notre affaire allait bien, mais la guerre a éclaté. On a dû s’embarquer pour l’autre bord. »

« « L’autre bord », c’était les pressions indues et constantes sur un groupe fiché comme contrebandiers; il convenait donc de pousser ces ‘unreliable French-Canadians’ à des tâches punitives.

– « Dans l’armée, il y a une série de lois non écrites pour forcer un gars à faire ce qu’ils veulent. On t’envoie t’exercer au tir dans une « swomp »; après, on t’engueule parce que tes bas sont mouillés. Si tu tentes de t’expliquer, on te fait faire des push-ups jusqu’à ce que tu vomisses ou que tu perdes connaissance. Après ça, ils te disent que tu vas avoir la paix si tu acceptes de faire des jobs particulières. »

« Les « jobs particulières », ce fut de capturer vivant un soldat devenu fou barricadé dans une grange, et muni de tout un arsenal; ce fut encore de démanteler un réseau de prostitution dans le nord de l’Angleterre, réseau dans lequel un officier anglais de bonne fa mille jouait un rôle important. Aucun gradé de l’armée britannique ne voulait compromettre sa carrière en se mêlant de cette affaire  » délicate ». Ce fut surtout les missions périlleuses de commando effectuées en France occupée; il « fallait » se porter volontaires, c’était plus convenable dans les registres.

« Le visage de 1 ‘homme se rembrunit. Il regardait vers le village, mais son regard semblait fixé sur des souvenirs pénibles.

– « Après, un officier est venu nous parler dans un français à cinq piastres. Il était très gentil, mielleux. même; ils nous a dit comment on avait été des bons soldats, ça fait que le Canada français reconnaîtrait pour toujours nos mérites, sans compter le blanchissage de notre dossier, les médailles, etc., pour l’action délicate pour laquelle nous autres, les’ plus valeureux soldats canadiens-français’, on avait été choisis à cause de ‘nos talents exceptionnels’. Quand ils ont besoin de toi, ils te beurrent le plus possible. »

« On ne leur demandait rien de moins que de désamorcer les bombes qui n’avaient pas sauté. Pire encore, l’un d’eux entendit un jour un officier confier à un confrère d’arme qu’un dossier confidentiel établissait que la Luftwaffe avait intentionnellement largué un certain nombre de bombes qui n’exploseraient… que lorsque leur mécanisme serait démonté par des experts. Les circuits électriques étaient chaque fois différents, les pièges subtils et nombreux…

– ‘On s’était bien battu, pourtant. Une fois, je pense que c’était en Hollande, des généraux américains, anglais et russes étaient en tournée au front pendant une accalmie. Ils comprenaient pas qu’on ait si peu d ‘hommes devant beaucoup plus de soldats ennemis. Quand t’as passé ta jeunesse à la chasse dans le bois ou couché su’l plein  à tuer au vol des bec-scies et des outardes qui passent à grande vitesse… Tiens! C’est là que Lucien Potvin a reçu une balle qui y’est restée près du coeur, ça fait que c’est pour ça qu’y’é devenu paraplégique.