Montréal

Nouvelles

Pourquoi Poutine attaque-t-il l’Ukraine ? ( partie 1)

20-03-2022

Pourquoi Poutine attaque-t-il l’Ukraine ? ( partie 1)

« Le point  de vue russe»

envoyé par Michel Frankland

Une analyse très argumentée des causes de la guerre en Ukraine.

Un recul nécessaire pour comprendre la situation actuelle de l’Ukraine et dépasser l’information, souvent émotionnelle, que nous servent les médias en continue Guerre en Ukraine. L’analyse du Général Lalanne-Berdouticq

Document écrit le 25 février 2022 par le Général Lalanne-Berdouticq au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine.

Alexandre Lalanne-Berdouticq est général de l’Aarmée de terre. Saint-Cyrien, il a servi dans l’infanterie de montagne, aéromobile et la légion étrangère, dont il a commandé le régiment stationné en Guyane française. Breveté de l’École supérieure de guerre, il a également servi en états-majors. En école il a commandé une promotion de saint-cyriens et été instructeur au Collège interarmées de défense. En opération il a particulièrement servi dans les Balkans et au sud-Liban, dont il est rentré à l’été 2007 après un séjour d’un an à la Finul 2. Marié et père de quatre enfants, il a écrit de nombreux articles traitant surtout de géopolitique.

Chers amis,

Quelques-uns parmi vous m’ont demandé de leur faire part de mes premières estimations concernant la guerre qui vient d’être déclenchée en Ukraine par l’offensive de l’armée russe le 24 février à 4 heures du matin.

Je les remercie de m’avoir conservé leur confiance car je faisais partie de ceux qui, nombreux, ne croyaient pas à une offensive massive sur l’Ukraine tant ses aléas sont grands vus sur le long terme.

Nous verrons rapidement les causes lointaines, les causes proches et ce qu’il me semble important des causes immédiates de cette offensive aux développements et aux imprévisibles conséquences.

Les causes lointaines

Nul ne peut contester que l’Ukraine et la Russie, si elles ne sont pas strictement le même pays, sont indissolublement liées par l’histoire. La Russie fut créée à Kiev au IXe siècle après les invasions mongoles et l’on parla d’abord de « Russie kiévienne », des siècles avant de parler de « Russie moscovite ». Un Ukrainien est chez lui en Russie, comme un Russe l’inverse. C’est un fait et Poutine, comme tout Russe pénétré de patriotisme en est convaincu, avec raison.

L’Ukraine fut indépendante au sens juridique du terme pendant très peu de temps de sa longue histoire et je me rappelle ce général ukrainien nous faisant à Kiev un exposé sur ses forces armées, alors que je participais à un voyage militaire en 1994. Il nous dit : « Depuis 1991 c’est la troisième fois que l’Ukraine est indépendante. Je ne sais combien de temps elle le restera ; nous verrons ». De fait elle le fut entre 1918 et 1921 suite à une décision de Lénine, une autre fois, nommément, dans les années 1941-43 après l’attaque allemande, et enfin depuis 1991 après la chute de l’URSS. Il se peut donc que cette troisième indépendance ait pris fin le 24 février 2022.

Toujours est-il que, vu de Moscou, Kiev n’est pas une capitale nationale mais la capitale de la première Russie et celle d’une sorte d’Etat-province intrinsèquement lié à la Russie.

Dernière des causes lointaines de cette guerre : l’effondrement de l’URSS en 1991 conséquence de la chute du Rideau de fer en novembre 1989.

1991 fut vécu par tous les patriotes soviétiques qui pour beaucoup n’étaient en fait que des patriotes russes, comme la plus grande catastrophe du siècle. La « Deuxième puissance du monde », militairement et diplomatiquement parlant, était rayée de la carte et ne comptait plus sur l’échiquier mondial. Cet immense ensemble eurasiatique (qui, ne l’oublions jamais, s’étend sur ONZE fuseaux horaires, de Kaliningrad sur la Baltique au détroit de Behring) allait s’enfoncer dans une crise dont nous n’avons pas mesuré l’insondable profondeur et la dramatique intensité pour les populations russes et associées.

L’Occident de son côté se réjouissait avec raison. En effet, comment ne pas avoir été euphorique, en voyant enfin « l’Europe respirer de ses deux poumons » (selon Jean-Paul II), libérée de l’occupation ou de la tutelle soviétique et renouer avec l’Ouest qui avait quant à lui préservé sa liberté. Polonais, Hongrois, tchèques et Slovaques, Roumains et Bulgares rejoignirent ensuite plus ou moins rapidement l’Union européenne.

Cependant les vainqueurs, tout enivrés de leur succès qui était plus dû à l’effondrement de leur adversaire qu’à leurs propres efforts, se montrèrent incapables de dominer leur sentiment de victoire et humilièrent leur ancien ennemi, Moscou.

Tragique erreur.