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LES FIXATIONS SOCIÉTALES

06-12-2019

LES FIXATIONS SOCIÉTALES

 par Michel Frankland

Un adage rappelle une loi simple sur l’efficacité personnelle ou sociétale. L’ESPRIT HUMAIN VEUT D’ABORD COMPRENDRE. Il opte naturellement pour l’esprit, non pour lettre.

 

Bien sûr. Mais deux types de limites éloignent les sociétés de la réflexion efficace. D’abord, l’intelligence statistique quelconque d’une société. Le QI, par définition, est de 100. Si bien qu’il y a environ le tiers des citoyens de 90 et moins. Des personnes qui ont besoin de repères clairs et simples. L’analyse des faits de la cité leur est impossible. Il leur faut donc recourir à la lettre de la loi – ou  la lettre des idéaux qui ont présidé à l’éclosion de cette civilisation. Ainsi des portraits géants des leaders politiques trônant sur la cité et d’une couple de  courts slogans. Le deuxième type de fixation dans la lettre provient du désir d’encadrer une valeur qui a marqué le groupe.

 

 

Deux exemples majeurs et pesants, provenant de ces deux limites, ont marqué deux civilisations. Le voile islamique et le deuxième amendement américain.

 

Le voile islamique m’apparait un exemple limpide d’une fixation originalement noble. Le Coran (sourate 33, verset 59) propose le port du voile. Le texte coranique parle de rabattre le haut du vêtement sur la figure.  En fait, ce texte se réfère à des ennemis de Mohamed (les « coalisés », qui se trouve aussi être le nom de ce passage). Cette tribu hostile violait les femmes du groupe de  Mohamed. D’où le port du voile pour les distinguer des femmes esclaves, qu’on  pouvait violer. Mais cet épisode critique se situe  en 607 et n’a duré que brièvement – le temps de vaincre les coalisés.

 

 

Le voile islamique n’avait plus d’utilité. Mais la double loi de la fixation joua ici. Le port du voile limitait évidemment le désir qu’auraient éprouvé certaines à s’aventurer hors du groupe. Et plus généralement, la propension du puissant patriarcat propre à la mentalité musulmane se trouvait ainsi affirmée. Enfin, la cohésion  et  l’isolement protecteur islamiques s’en trouvaient renforcés. L’Islam tient donc au port du Hijab pour toutes ces raisons. Il demeure que des esprits musulmans plus portés à la réflexion n’exigent en rien le  port du hijab dans leur famille. Il y a même un paradoxe : on a photographié des musulmanes ne portant pas le voile dans leur pays d’origine,  mais s’en couvrant une fois émigrées en Amérique… Car l’Amérique, et sa civilisation plus débridée, appelle chez les tenants de l’Islam plus rigoureux le port protecteur du voile.

 

 

Le deuxième amendement à la Constitution américaine obéit à des impératifs conformes également au double principe évoqué plus haut. Jusqu’à l’indépendance américaine, à l’été 1776, les citoyens luttant contre l’envahisseur anglais avaient évidemment l’aval du gouvernement  provisoire pour le port d’armes. Pour une raison plus traditionnelle également. Périodiquement, les rois anglais ont insisté  pour rappeler le droit – et le devoir, à cause des guerres  où l’Angleterre s’est impliquée. Tellement que les troupes anglaises,  nous rappellent les historiens, toléraient le port d’armes chez les colons américains, tellement était ancrée en eux la longue tradition britannique en ce sens.

 

La situation après l’accession à l’indépendance changeait objectivement la donne… Mais les deux raisons évoquées plus haut représentent une tentation universelle. Il fallait à cette jeune nation un ciment social. Et quoi de mieux que l’héroïsme patriotique luttant contre l’occupant britannique !  Ajoutons une cause nettement moins noble. L’influence virale américaine, véritable plaie à ses principes glorieux sur l’unité nationale, des contributions massives des  géants de l’industrie.

Ainsi, la NRA, ou National Rifle Association, puissant contributeur auprès  des élus, se trouve a celer leur protestation contre  les limites au deuxième amendement. Non seulement le port d’armes est permis ; la publicité s’avère tellement persuasive que l’immense majorité des Américains sont fiers de cette liberté… poussée au point  de la liberté de possession d’armes de guerre (AK47 et consorts). Pour tirer des perdrix ?… Il demeure que les massacres réguliers de groupes de citoyens s’effectuent par ce type d’armes. J’ai assisté via la télé à plusieurs commentaires des forces de l’ordre après ces tueries collectives. À mon étonnement, aucune d’entre ces prises de parole n’évoque la possibilité de restreindre les armes propres à l’armée.

 

Bref, les fixations historiques proviennent de la faiblesse de l’esprit d’un grand nombre et du désir collectif de concrétiser des faits significatifs de l’histoire du pays. Il n’en demeure pas moins que cette embardée vers la lettre au dépend de l’esprit mène, comme on le voit par ces deux fixations, se trouve  entachée de lacunes sociétales graves.