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TACTIQUES GAGNANTES

16-03-2018

TACTIQUES GAGNANTES

 par Michel Frankland

Notre cerveau, au fil des millénaires, s’est organise d’une manière efficace. Il se trouve cependant que la grande majorité des gens ne savent pas exploiter ses attitudes gagnantes. Ils ne comprennent pas non plus les déterminismes qui structurent nos perceptions. Ils en sont souvent les victimes.

Examinons-les une à une.

1 Les mots magiques. Il y en a deux sortes.

1.1 Rimes. Un américain a tenté l’expérience suivante. Dans un parc, il montre un
pancartes avec la rime suivante :
CONTANCE AND MEASURE
WILL PRODUCE A TREASURE

Toutes les personnes testées sont d’accord. Il change maintenant son texte pour

CONSTANCE AND MEASURE
WILL PRODUCE RICHES

Les mots « treasure » et « riches » sont synonymes. Mais pourtant, ici, les gens
ne sont plus d’accord. La sagesse populaire de type proverbial avec emploi de la
rime ne fonctionne plus. Il n’y a plus d’adéquation entre l’organisation verbale,
qui évoque la sagacité populaire, et l’organisation logique, cohérente, de la
pensée.

1.2 Parce que. Cette conjonction opère des miracles. L’esprit humain est interconnecté de manière à chercher des relations logiques. « Parce que » déclenche par automatisme mental la reconnaissance respectable de la justification. On en compte 62 dans les Évangiles. Avec leurs variantes, évangéliques ou populaires : « car », « la raison en est que », « il y a une raison pour ça ».

2 Les attitudes gagnantes. Encore ici, on en trouve deux situations.

2.1 Les deux bras levés. Cette posture date probablement de milliers d’années. On peut imaginer les Néandertaliens se faire signe : « As-tu tué la bête ? » et le chasseur, à quelques centaines de mètres, lève les deux bras en l’air pour signifier la victoire. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une convention artificielle, mais d’un geste naturel, renforcé à travers les âges. Les joueurs de hockey qui viennent tout juste de fabriquer un but lèvent spontanément les bras en l’air. De même le boxeur vainqueur ou l’élu en politique. Le haut, symbole naturel de victoire, d’élevé dans la hiérarchie. Prenez cette position, pourvu qu’elle ne soit pas factice, et vous commanderez plus de respect et de considération. Cela fait partie des automatismes du cerveau.

2.2 La position lors d’une réunion. Il s’agit ici spécifiquement des chaises. Quelqu’un qui occupe spontanément la chaise du bout (on suppose ici une table en long autour de laquelle il y a des chaises) est un leader naturel. Il faut tout de suite ajouter qu’une personne en mal de pouvoir, mais non reconnue comme telle par l’assemblée, qui occuperait cette position, perdrait de la crédibilité dans le groupe.

Mais qu’arrive-t-il si la table est circulaire ? Le leader naturel aimera spontanément éloigner sa chaise vers l’extérieur.

3 Négociations.

3.1 Jamais d’ultimatum. L’ultimatum constitue non seulement une menace, mais son caractère radical implique le refus du dialogue, et conséquemment une guerre à finir.
L’impertinence de l’attitude apparait encore plus marquée s’il s’agit d’un supérieur. Comme lors d’une demande d’emploi ou de promotion.

3.2 La nécessité des compromis. Vous vous présentez pour un emploi. Le patron vous
demande quel salaire vous visez. Ne proposez pas de montant rond. 60,000 $ fait trop absolu, trop rêveur. Montrez-vous plus réaliste. Vous pensez à un salaire initial de 58,400 $. Vous avez eu le bon sens de regarder attentivement le visage du patron. Car les paroles disent quelquefois la vérité, et quelquefois moins. Mais le corps ne peut mentir. Et vous sentez que tout en trouvant d’un créneau raisonnable votre demande, il précise : « Je pensais à un salaire initial de 57,000 $. » Si votre oui est trop empressé, vous envoyez le message que vous auriez accepté 55,000. Mais si votre réponse s’avère assez rapide et sympathique : « Oui, je suis prêt à ce compromis. » Compromis constitue un mot magique. Vous n’êtes ni un pauvre type désespéré, vous gardez contrôle et dignité ; en même temps, vous êtes ouvert au dialogue – qualité capitale dans une entreprise.

3.3 Questions directes. Il y a, en tout esprit de négociation, des clarifications qu’il faut
demander. Vous cherchez un emploi comme commis comptable dans un grand magasin. Vous vous êtes entendu avec le gérant sur le salaire. Vous demeurez à courte distance du magasin. Vous viendrez travailler à pied. Une économie ! Mais voilà, la chaine de magasins possède une autre affaire à quelques kilomètres de celui-ci. Vous êtes confronté à l’option suivante. Ou bien rêver que tout ira bien, ou alors poser la question directement. Ne rêvez pas. Posez la question. Elle n’est ni impertinente ni impolie. Étant donné votre proximité, vous aimeriez tellement mieux travailler ici. Le gérant vous répond qu’il n’y a en cela pas de certitude absolue. Mais pratiquement, il croit bien s’arranger pour que vos souhaits se réalisent. La conjoncture s’éclaire d’une quasi-certitude. Si le gérant de l’autre magasin signale qu’il a besoin d’un commis-comptable, votre gérant plaidera votre cause.

3.4 Savoir dire non. Il s’agit ici de négociations commerciales. Vous songez à vous acheter
un nouveau véhicule. Un usager plutôt récent. Vous vous pointez chez le marchand. Il vous montre des merveilles. Au prix qu’il sait franchement trop haut. Mais il vous vante le véhicule, attirant votre attention sur tous les gadgets aussi intéressants que les vôtres. Faites l’indépendant. Poli, mais neutre. Même si le véhicule vous intéresse, rappelez-lui que c’est clairement trop cher. L’indépendance réside aussi dans le fait de ne pas se montrer pressé. Sinon, vous êtes fini. S’il s’entête, signalez-lui qu’il y a d’autres concessions automobiles en ville. Cette remarque opérera son effet, soyez-en sûr. Pourvu qu’elle ne prenne pas le ton agressif du défi. Vous lui rappelez les compétiteurs d’une manière polie. Vous n’êtes pas naïf !…

3.5 Des écrits ! On serait étonné de l’abondance de cette sorte de bonne foi qui percevrait comme un manque de confiance d’exiger une assurance écrite. Vous êtes chez le concessionnaire. Le vendeur est franchement charmant. Un vrai bon gars ! Vous vous entendez pour prendre le véhicule demain matin, question de le préparer mécaniquement. Le prix est convenu. Malheur et désolation ! le véhicule a été vendu. Le vendeur se confond en excuses. Il était aux toilettes quand on a vendu le véhicule. Mais n’a-t-il pas laissé un mot au gérant ? Justement, le gérant a quitté pour une affaire personnelle urgente… Ou autre salade du genre.

Le problème, ici, se réfère à certaines zones du cerveau. Celles qui craignent le conflit, victimes naturelles du « bon gars ». Les vendeurs possèdent souvent un instinct très sûr en regard de ce type de clients. Ils jouent admirablement les grands cœurs, gars du peuple tellement honnêtes et généreux…

3.6 Constance. John Kerry, candidat démocrate à la présidence contre Bush fils, a produit un discours qui l’a perdu. Il s’est mis à faire ce que nos voisins nomment « flip flop ».
Sur un sujet donné, il s’est mis à se lancer dans une valse hésitations. Il était pour tel principe, mais pas vraiment, et en même temps… Le non-verbal des spectateurs disait l’essentiel : une négation de son leadership. Le vrai leader vit de convictions fortes. À force d’y réfléchir, d’y mettre les heures de lectures, de discussions et de réflexions qui le passionnent, il a organisé sa pensée autour de la pyramide d’idées puissantes qui sont toute sa vie. Ainsi, pour le meilleur ou pour le pire, selon le cas, Hitler, Lénine, Churchill, De Gaule, le président Kennedy, etc.

4 Écrire et lire. On le sait en théorie, mais la pratique se fait souvent rare. Écrire, par le dialogue qu’elle déclenche entre deux parties du cerveau, ne peut que produire des idées nouvelles. À chaque article ou livre que j’écris, il se produit automatiquement des illuminations. Je ne suis pas biologiste, mais ma perception du phénomène provient de l’éclosion d’idées par un mouvement réflexe entre ce que je suis en train d’écrire et la perception, réflexe second, sur le texte qui s’écoule de façon vitale devant moi.

La lecture joue un rôle analogue. Voilà une pensée nouvelle, également un style nouveau. Une autre organisation de la pensée, mais aussi des subtilités que je n’avais pas saisies. Elles ouvrent en moi un écho créateur, débusquent des idées bien rangées au fond de moi et qui, au choc de ces nouvelles orientations, s’allument tout à coup d’harmoniques qui m’emballent.