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TRUMP REVISITÉ

15-01-2017

TRUMP REVISITÉ

 

 par Michel Frankland

Tenez-vous bien, je commence par vous citer le chapitre 10 de La Métamorphose de Kafka. Trump ! Kafka !… Oui, vous avez bien lu. Vous verrez l’explication plus loin.

 

 

Mon grand-père avait coutume de dire : « La vie est étonnamment brève. Dans mon souvenir, elle se ramasse sur elle-même si serrée que je comprends à peine qu’un jeune homme puisse de décider à partir à cheval pour le plus proche village sans craindre que, tout accident écarté, une existence ordinaire et se déroulant sans heurts, ne suffise pas, de bien loin, même pour cette promenade. »

 

 

Le président des États-Unis fait face, chaque jour, à des problèmes si nombreux et si complexes qu’il s’avère impossible, même pour une personne de fort calibre intellectuel, d’en comprendre un seul complètement.

 

Pour l’aider, un « think tank » abondant, brillant et dévoué, éclaire le président sur ces nombreux et complexes problèmes. Mais ces difficultés ont généralement des composantes émotives et sociétales complexes, pleines de subtilités et de sentiments « sous le radar ». Elles échappent aux forts en thème et autres gros quotients. Un souvenir que je vous ai peut-être rappelé il y a quelques mois, mais qui s’applique parfaitement ici. Je suis en philo à l’Université. Un ami à ma gauche se penche vers moi et murmure : « Le prof sait tout, …

mais rien d’autre ! » Idem des grosses têtes du Think Tank, l’expérience de l’histoire politique américaine le montre régulièrement.

 

Le rôle du président ne consiste pas à s’acharner à ces épreuves compliquées. Il sait de toute façon que, quelque décision qu’il prenne, il sera toujours haï, vilipendé par certains et adulé par d’autres ; il s’agit pour lui simplement d’être un leader. Un être agile à donner confiance au peuple. Tel que Jos Bleau et sa femme se réveillent le matin un peu plus heureux d’être américains. Ainsi, Jimmy Carter s’est imaginé qu’il s’agissait de bien administrer la nation, tout comme il gérait bien ses plans d’arachides. Il n’a pas été réélu. Reagan, nettement moins doué, était par contre charismatique. Il avait saisi intuitivement la fonction présidentielle. Il a été réélu comme une balle rapide.

 

Trump a saisi instinctivement les trois colères rentrées du peuple américain. Colère contre Washington : les politiciens, beurrés par les grosses entreprises et les multinationales, à cause des passe-droits fiscaux qu’ils leur accordent, forment une société comblée finalement peu intéressée à vraiment se dévouer pour leurs commettants. Le peuple le sent, vit cette trahison en douceur comme une lâcheté condamnable.

 

Colère également parce que tant d’emplois sont disparus en Extrême-Orient, les bas salaires payés là-bas s’avérant à l’évidence incompatible avec ceux des travailleurs américains.

 

Colère enfin contre l’immigration musulmane et mexicaine, perçue comme des occasions néfastes de tueries collectives ou de l’invasion des experts en narco dollars.

 

Trump a répondu par le double thème de la protection et du retour à la grandeur américaine d’autrefois.

 

Trump possède de façon innée ce sens du leadership. Ainsi, son sens intuitif, globalisant, lui affirme qu’il convient tout à fait de faire la paix avec la Russie. Tout le bataclan intellectuel s’oppose à cette idée. Poutine et ses sbires hackers ont manipulé l’élection américaine, ont envahi l’internet de plusieurs grosses sociétés. Le bon sens supérieur de Trump sait que des sanctions contre un pays punit des millions d’individus, humilie leur administration, etc. Et la Crimée a toujours été russe.

 

Trump et le grand-père de Kafka ont saisi d’instinct les vraies choses de la vie, fuyantes, subtiles, ductiles comme le mercure, et sur lesquelles s’acharnent avec des solutions profondes, mais profondément partielles, les grosses têtes de l’apparatchik américain.