Montréal

Nouvelles

« Vérité sou tanbou »

26-10-2016

« Vérité sou tanbou » 

par Serge H.Moise

Je parle évidemment créole

Je respire toujours en créole

Je vibre surtout en créole

Et il m’arrive cependant

De fredonner en dansant

Que dis-je me déhanchant

En plein soleil couchant

« Way manman! »

II

Quand je me mets à crier

« Woy! Kouman nou yé! »

Je suis dans le protocole

De notre succulent créole

Et je suis bien dans ma peau

Quand je dis nos gros mots

III

Je te vois espèce de pervers

T’exciter de ces vilains vers

Á faire piquer une crise de nerfs

Et tourner tes trippes à l’envers

IV

Elles sont pleines de solitaires

Qui sont encore très solidaires

En lieu et place de ton hougan

Qui te remettrait en pimpant

Ton toubib qui te gruge

Te prescrira un vermifuge

V

Je ne suis certainement pas fou

En disant sur un ton très mou

« Vas-y! Tue-moi chouchou! »

Demande alors à Alfredo

S’il existe de plus doux mot

Dans son excellent credo

Mis à part : Ayibobo!

VI

J’ai sillonné la métropole

En évitant toute nécropole

Fuyant certaines espèces

Le genre du sieur Lucrèce

Et je fais l’amour en créole

De manière plutôt frivole

Et elle me dit mine de rien

« Chéri plein bol mwen! »

VII

Ma vie est certes créole

Je veux mourir en créole

Et il n’y a rien de très drôle

Car ce n’est pas une parabole

Encor moins une vaine parole

VIII

Je n’ai jamais eu la frousse

De dire dans sa frimousse

« Alaw ou fout dous »

Car cette douceur réelle

Dans la langue maternelle

S’exprime beaucoup mieux

Et fait bien plus amoureux

IX

Cela me fait tourner en rond

Ai-je donc l’air tellement con

Que je pourrais m’évanouir

Au premier doux soupir

X

Je me perds en conjectures

Et avec toutes ces fioritures

Tant pis si je me fais maudire

Car ce que j’aimerais te dire

Si t’es encor haïtien dans l’âme

De ne pas utiliser ce mot infâme

Dans le genre qui dit tout bas

« Pito nou lèd nou là »

XI

Tu connais bien Paul Éluard

Mais pas notre Carl Brouard

S’agissant de Marcel Bichotte

Te voilà donc Bèbè chochotte

XII

Tu ne parles que de Mozart

Mais le grand Edner Guignard

Ou encore Antalcidas Murat

Hélas tu ne t’en souviens pas

Mais la belle Émeline Michel

Avec elle tu irais bien au ciel

Et Anna Pierre donne le ton

« Lap mété suk sou bonbon’w »

XIII

Que dire du cher Émile Roumer

Sans oublier notre Aimé Césaire

Mais toi tu préfères Aznavour

Avec sa belle voix de velours

Alors l’inoubliable Pierre Blain

« Ti mal wa gen tan konnen »

XIV

Justin Lhérisson et Othello Bayard

Ne te rendront pas trop bavard

Mais parler de Gilbert Bécaud

Et tu feras certainement écho

XV

Je voudrais tout faire en créole

Et admirant nos beautés créoles

Leur dire qu’elles sont superbes

Même si des mauvaises herbes

Laisseraient croire le contraire

Elles n’auront pas à s’en faire

XVI

A l’approche de l’andropause

Je voudrais faire une pause

En poésie ou alors en prose

Car il faut bien qu’on en cause

XVII

Je voudrais écrire en créole

Une belle cantate à mon idole

Mais en créole mon écriture bidon

A fait de moi hélas un véritable con

———–

SHM av.