Montréal

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Alexandre Grothendieck

15-12-2014

                                                         

ALEXANDRE GROTHENDIECK (1928-2014)

 

 

 

 

Envoyé par Jean-Paul Kozminski

Je ne suis pas doué pour les mathématiques… du moins c’est ce que l’on m’a toujours fait comprendre au lycée… jusqu’à ma fréquentation du cégep où un ‘prof de maths’ a changé cette vision en changeant l’angle de mes perceptions. Depuis, j’ai toujours beaucoup d’admiration pour ces femmes et hommes professeurs et chercheurs-trouveurs qui ‘vulgarisent’ et nous permettent d’entrevoir leur vision du monde qui nous entoure … c’est le merveilleux qui entrebâille la porte du grand architecte de l’univers. Rendre hommage c’est aussi faire connaître Monsieur le Professeur Alexandre Grothendieck qui a donné beaucoup de travail à faire à toutes les générations de mathématiciens qui le suivront. En fait, il continuera de vivre dans cet espace que l’on cherche toujours à déchiffrer, à apprivoiser. (voir le parcours de Rosetta et Philae)Pour Euclide les droites parallèles ne se croisent jamais. Pour les mathématiques post Euclidiennes la notion même de droites parallèles disparaît. Euclide avait raison pour les voies ferrées, mais tort pour la voie lactée, l’infini, comme Gauss et Riemann, deux mathématiciens de l’école allemande, l’ont démontré au XIXe.

 

 

Pour Philippe Douroux (ex-directeur Libération) Alexandre Grothendieck a jonglé avec les X et les Y comme Victor Hugo jouait avec les mots pour écrire Les Misérables, ou comme Beethoven plaçait les notes sur la partition pour composer la Neuvième Symphonie. Ses pairs le placent au niveau d’Albert Einstein, dont il partage l’aversion pour l’apprentissage scolaire, l’indépendance de pensée et une puissance de travail stupéfiante .

 

 

Alexandre Grothendieck explique dans les extraits de Récoltes et Semailles reproduits ici, qu’il s’agissait essentiellement de dégager un cadre commun permettant d’étudier simultanément les aspects géométriques (« continus ») et arithmétiques (« discrets ») des équations polynomiales, afin d’explorer leurs intrications. En l’espace de quelques mois, Alexandre Grothendieck a rédigé l’équivalent de six thèses de doctorat. Pour un doctorant solide, mieux vaut compter trois ou quatre ans pour aller au bout d’une seule. L’effort est si considérable qu’il ne viendrait à personne l’idée de rédiger deux thèses en parallèle. Il a tout simplement ouvert un domaine de recherche, les espaces vectoriels topologiques.

 

 

Traditionnellement, on distingue trois types de « qualités » ou d’ « aspects » des choses de l’Univers, qui soient objet de la réflexion mathématique : ce sont le nombre, la grandeur, et la forme. On peut aussi les appeler l’aspect « arithmétique », l’aspect « métrique » (ou « analytique »), et l’aspect « géométrique » des choses. Dans la plupart des situations étudiées dans la mathématique, ces trois aspects sont présents simultanément et en interaction étroite. Cependant, le plus souvent, il y a une prédominance bien marquée de l’un des trois. Il me semble que chez la plupart des mathématiciens, il est assez clair (pour ceux qui les connaissent, ou qui sont au courant de leur Å“uvre) quel est leur tempérament de base, s’ils sont « arithméticiens », « analystes », ou « géomètres » – et ceci, alors même qu’ils auraient beaucoup de cordes à leur violon, et qu’ils auraient travaillé dans tous les registres et diapasons imaginables.

Écrit entre 1983 et 1986, Récoltes et Semailles. Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien est un texte d’un millier de pages que Grothendieck envoya à certains de ses anciens collègues ou amis. Si une publication (chez Christian Bourgois) fut un temps envisagée, le texte reste inédit. Il n’est toutefois pas difficile d’en trouver une version électronique sur la Toile. Récoltes et Semailles, §2.9. Forme et structure — ou la voix des choses. EXTRAITS :

 

[…] S’il y a une chose en mathématique qui (depuis toujours sans doute) me fascine plus que toute autre, ce n’est ni « le nombre », ni « la grandeur », mais toujours la forme. Et parmi les mille-et-un visages que choisit la forme pour se révéler à nous, celui qui m’a fasciné plus que tout autre et continue à me fasciner, c’est la structure cachée dans les choses mathématiques.

La structure d’une chose n’est nullement une chose que nous puissions « inventer ». Nous pouvons seulement la mettre à jour patiemment, humblement en faire connaissance, la « découvrir ». S’il y a inventivité dans ce travail, et s’il nous arrive de faire œuvre de forgeron ou d’infatigable bâtisseur, ce n’est nullement pour « façonner », ou pour « bâtir », des « structures ». Celles-ci ne nous ont nullement attendues pour être, et pour être exactement ce qu’elles sont ! Mais c’est pour exprimer, le plus fidèlement que nous le pouvons, ces choses que nous sommes en train de découvrir et de sonder, et cette structure réticente à se livrer, que nous essayons à tâtons, et par un langage encore balbutiant peut-être, à cerner. Ainsi sommes-nous amenés à constamment « inventer » le langage apte à exprimer de plus en plus finement la structure intime de la chose mathématique, et à « construire » à l’aide de ce langage, au fur et à mesure et de toutes pièces, les « théories » qui sont censées rendre compte de ce qui a été appréhendé et vu. Il y a là un mouvement de va-et-vient continuel, ininterrompu, entre l’appréhension des choses, et l’expression de ce qui est appréhendé, par un langage qui s’affine et se recrée au fil du travail, sous la constante pression du besoin immédiat.  

Pour en savoir plus,Winfried Scharlau a entamé la rédaction d’une biographie très fouillée : Wer ist Alexander Grothendieck ? Anarchie, Mathematik, Spiritualität — Eine Biographie. Deux tomes (en allemand) sont déjà parus : Teil 1 : Anarchie et Teil 3 : Spiritualität. Une introduction (en anglais) a été publiée par les Notices de l’AMS : Who is Alexander Grothendieck ?.